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Aurélien Buttin vit pour voyager et voyage pour photographier. L’amiénois aux 16 000 abonnés sur Instagram, lucide sur l’éloge du faux des réseaux, court le monde entre pubs et reportages.

Ses photos prennent aux trips  © Aurélien Buttin

10.11.2021

JDA 994

Des fesses, un peu de nus et puis des grands espaces, d’Amérique ou du Caucase. Sur l’enchanteur profil Instagram d’Aurélien Buttin, entre néons, vans, plages et montagnes, on distingue aussi la brique amiénoise. À chaque fois, un côté Polaroid assumé, façon instantané. À la terrasse du Café, rue Flatters, où le trentenaire a ses habitudes durant ses escales à Amiens, il tente d’en expliquer l’origine : « Ça m’a toujours fait ch... de raconter mes vacances en faisant défiler les photos. J’ai toujours préféré dire : “Vas-y, choisis-en une et je te raconte son histoire” ». Comme cet autoportrait qui illustre l’article, la rencontre fortuite avec un renard en Andalousie alors qu’Aurélien suivait un pote, cycliste, engagé dans une course extrême.

 

NUS ET CULOTTÉS

Petites pattes rousses et moustache chevron protégeant les commissures. Les joues mal rasées mais la mèche soignée qu’il rabat vers l’oreille sitôt la casquette enlevée. Incognito ici, le garçon ne passe pas inaperçu en Allemagne ou de l’autre côté des Pyrénées, où il a multiplié les contrats pour de grandes marques. Merci Internet et Instagram. « Quand j’ai commencé la photo, je faisais beaucoup de filles nues. Les copines en parlent à leurs copines... Et comme les gens sont des voyeurs, ça marche. Ensuite, les marques voient les 1 500 likes et t’appellent. C’est honteux mais c’est comme ça. »

 

OPPORTUNISTE

Il tapote sa cigarette bien au-dessus du cendrier. Et poursuit sur un deuxième café et sur sa réflexion : « On va sur Internet pour entrer dans un autre monde. Les gens s’imaginent que ce qu’ils voient est la vie des instagrameurs. Tout ça n’est que du fake, comme les pubs de femmes retouchées qui donnent des complexes aux autres... ». Il tique. Et ne cache pas les fourmis dans son objectif, accro qu’il est aux voyages, à la découverte. Islande, États-Unis, Géorgie, Mexique pour un reportage sur les 43 étudiants disparus à Iguala enlevés en 2014 par des policiers obéissants à un cartel. « Le Covid a failli me tuer », dit-il, contraint alors à la sédentarité. Sinon il est toujours en partance, à squatter chez une connaissance de connaissance : « Je chope toutes les opportunités », quitte à partir à l’arrache comme en Alaska.

 

LES TROIS-HUIT CHEZ GOODYEAR

Entre deux voyages, il mijote une plongée dans les tranchées du Donbass, cette guerre sans fin à l’est de l’Ukraine. Rêve du Texas à la rencontre de rednecks pro-Trump de la campagne américaine. Plus près de nous, il s’immergerait bien dans un rassemblement tuning. Avec empathie. Car le garçon n’oublie pas d’où il vient. Sortie de l’école à 16 ans, les trois-huit chez Goodyear pendant cinq années. Le modèle convenait à la maison. Aurélien défend les siens mais aspire à un ailleurs. Il décide de reprendre les cours du soir. Passe le bac, s’inscrit en fac de géographie (tiens, tiens la connaissance du globe), et quelque part change de monde. Premier voyage de sa vie à 23 ans à Budapest, le choc. Premières photos. Un périple le fera basculer : Amiens-Istanbul en Clio et sans un rond. Et ce professeur à la fac qui l’aiguille du genre : « La géo c’est bien, tes photos c’est mieux. » Il n’a pas quitté cette route depuis.

//Antoine Caux