Une ville idéale
Le 12 décembre 1875, lors d’une séance publique de l’Académie d’Amiens, Jules Verne fait voyager ses auditeurs dans l’avenir pour découvrir un Amiens bien différent de celui qu’ils connaissent. Parmi les changements qu’il constate, les boulevards dont le sol, la veille encore, était de la « boue argileuse », est maintenant pavé « en cubes de porphyre » :
« Et ce n’était pas tout ! Les boulevards, ce jour-là, avaient été arrosés à une heure judicieusement choisie – ni trop tôt, ni trop tard – ce qui ne permettait ni à la poussière de se faire, ni à l’eau de se répandre, au moment où affluaient les promeneurs ! Et les contre-allées, bitumées comme celles des Champs-Élysées de Paris, présentaient un sol agréable au pied ! Et il y avait de doubles bancs à dossier entre chaque arbre ! Et ces bancs n’étaient pas contaminés par le sans-façon des enfants et le sans-gêne des nourrices ! Et, de dix pas en dix pas, des candélabres de bronze portaient leurs élégantes lanternes jusque dans le feuillage des tilleuls et des marronniers ! […]
Soudain, des accords étranges se firent entendre. Les clairons sonnaient. Je me dirigeai vers l’estrade vermoulue qui, depuis un temps immémorial, tremble sous le pied des chefs de musique !…
A la place de ladite estrade s’élevait un élégant pavillon, couronné d’une légère véranda, du plus charmant aspect. Au bas du pavillon se développaient de larges terrasses, dont le dégagement se faisait à la fois sur le boulevard et sur les jardins en contrebas. Le sous-sol était occupé par un magnifique café d’un luxe ultra-moderne. »
Le square Montplaisir
Aujourd’hui, le square accueille deux sculptures. En 1911, suite à une souscription de la Société industrielle, un hommage a été rendu à l’amiénois Charles Dallery (1754-1835). Il est l’inventeur de l’hélice et de la chaudière tubulaire. Son buste est sculpté par Albert Roze.
Plus récemment, l’artiste amiénois Léon Lamotte (1912-2011) a réalisé un monument consacré aux mutilés du travail, Gloire au travail, honneur à ses victimes (1979).
Une place pour les Illustrations picardes
En 1874, Jules Verne fait partie d'une commission destinée à examiner un buste sculpté par Gédéon de Forceville, ainsi que le projet d'une autre œuvre, Les Illustrations picardes. Cette sculpture monumentale souhaite rendre hommage à des figures d’autrefois : Robert de Luzarches (architecte de la cathédrale), Nicolas Blasset (sculpteur de plusieurs œuvres dans la cathédrale dont le célèbre « ange pleureur »), Joseph Delambre (astronome et mathématicien qui participa à la mesure du méridien) et le général Foy (militaire et député).
Mais le Conseil municipal est embarrassé pour trouver un endroit qui puisse accueillir ce monument. Une maquette est réalisée et placée à différents endroits d’Amiens : rue des Jacobins, gare Saint-Roch ou sur les boulevards. Gédéon de Forceville propose la place Montplaisir (c’est-à-dire son emplacement actuel). En 1878, le monument est finalement installé rue Duthoit. L’année suivante, il est déplacé et reste ainsi sur un terrain voisin jusqu’en 1959. Enfin, en 1961, il est décidé de l’amener place Joffre, c’est-à-dire l’emplacement que Forceville avait d’abord souhaité ! Et c’est là que Jules Verne l’imagine dans Une ville idéale (1875) :
« Place Montplaisir, un monument considérable apparut à mes yeux. Aux quatre angles, les statues de Robert de Luzarches, de Blasset, de Delambre et du général Foy. Aux faces du piédestal, des bustes et des médaillons de bronze. Au-dessus, une femme assise, représentant la statuaire avec cette légende : La Sculpture aux Illustrations Picardes !
Quoi ! l’œuvre de notre collègue M. de Forceville reposait enfin sur un socle municipal ! »