Jules Verne raconte
La Maison
La maison à la tour ! C’est une demeure originale et l’on comprend qu’elle attire Jules Verne en 1882. Elle aurait pu être baptisée « l’hôtel Riquier », du nom de son premier propriétaire, comme d’autres hôtels particuliers de ce quartier Henriville.
Jules Verne y emménage en octobre 1882 et y demeure jusqu’en 1900. Il n’y est que locataire. A cette époque, Jules Verne est au sommet de sa gloire, connu mondialement pour ses « Voyages extraordinaires », de Tokyo à New York, d’Alexandrie à Copenhague. Il a besoin d’une demeure à la hauteur de son succès populaire. Il va y donner un bal costumé qui reste dans les annales locales, il reçoit des journalistes du monde entier et leur fait visiter « sa » maison, l’on s’extasie de la richesse de sa bibliothèque personnelle et l’on s’étonne de la modestie de son cabinet de travail. On photographie le grand salon, Jules Verne et son épouse Honorine sur le pas de la porte du jardin d’hiver, l’auteur et son chien dans son jardin.
De 1900 à 1980, nombreux sont les occupants qui utilisent le bâtiment à des fins très diverses : l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, une entreprise pétrolière, un assureur … Cependant, les décors des pièces d’apparat sont préservés, notamment la superbe salle à manger néogothique. Est-ce par respect pour son illustre occupant ? Ce sera toujours « la Maison de Jules Verne ».
La Ville d’Amiens achète la maison en 1980 et y installe le Centre de Documentation Jules Verne. Le cabinet de travail du deuxième étage est reconstitué et d’importants travaux sont effectués en 1988-1989, puis en 2004-2005. Et la tour est surmontée d’une sphère armillaire imaginée par François Schuiten.
Aujourd’hui, Amiénois ou touristes du monde entier ont le privilège de découvrir cette maison comme on se plonge dans un livre. En admirant la tour, on imagine l’écrivain à son sommet cherchant à la lunette comètes et bonne fortune. On apprendra plus tard que Jules Verne préférait un recoin du deuxième étage pour s’atteler à sa tâche de conteur dès le petit matin. Puis vient la séquence émotion : nous sommes dans les pièces du rez-de-chaussée. En entendant craquer les lames du parquet d’origine, on se prend à croire que Jules Verne va venir à notre rencontre, en pantoufles et bras de chemise pour nous accueillir.
Nous sommes les bienvenus, nous sommes chez Jules Verne.
Le bureau de Jules Verne
La journaliste américaine Nellie Bly en fait une description à l’occasion de son passage à Amiens le 22 novembre 1889, qu’elle relate pour le journal The World.
« La pièce était minuscule — chez moi, ma petite tanière avait presque les mêmes dimensions. Elle était également très modeste et dépouillée. Il y avait devant la fenêtre un bureau plat. Le désordre habituel qui accompagne et envahit les bureaux de la plupart des hommes de lettres était manifestement absent, et la corbeille à papiers qui est souvent remplie à ras bord de ce que l’on considère être leurs meilleures productions, ne contenait ici que quelques bouts de papier.
Sur le bureau une petite pile de papier était soigneusement posée, probablement de format 20 x 25 cm. Il s’agissait d’une partie du manuscrit d’un roman auquel il travaille en ce moment. […]
Je me penchai au-dessus du bureau et regardai par la petite fenêtre treillissée qu’il avait ouverte, et j’aperçus au loin, dans cette nuit tombante, la flèche de la cathédrale, tandis qu’au-dessous de moi s’étendait un parc au-delà duquel je vis l’entrée d’un tunnel de chemin de fer qui passe sous les fenêtres de M. Verne, et qu’empruntent chaque année de nombreux Américains pour aller à Paris. »
Boulevard Guyencourt, la première maison amiénoise
Vous croyez connaître ma maison, la « maison à la tour ». Mais savez-vous qu’avant elle, j’en ai occupé deux autres à Amiens ?
En voulant quitter Paris en mars 1869, j’avais l’intention de m’installer au Crotoy où j’ai l’habitude de passer plusieurs semaines par an depuis 1865. Mais ce projet ne suscite pas beaucoup d’enthousiasme chez mon épouse Honorine qui souhaite être proche de ses parents qui habitent Amiens.
Il est vrai qu’elle s’occupe de nos trois enfants et que je lui demande parfois de travailler avec moi. Alors, au début de 1870, je loue une maison à Amiens au 3 boulevard Saint-Charles (cette maison est aujourd’hui disparue). J’y séjourne jusqu’en mars, puis regagne Le Crotoy.
Pendant la guerre entre la France et la Prusse, déclarée le 15 juillet 1870, je suis mobilisé au Crotoy qui est mon domicile légal. Ma femme, ses filles et mon fils Michel restent à Amiens dans une autre maison que je loue, fin septembre 1870, au 23 boulevard Guyencourt.
Après la guerre, en juillet 1871, je décide de me fixer définitivement à Amiens, et c’est dans cette maison du 23 boulevard Guyencourt que je m’installe. C’est donc elle ma première maison amiénoise, une maison ordinaire comme il en existe des centaines à Amiens.
En septembre 1873, nous déménageons pour une maison plus grande au 44 boulevard Longueville (aujourd'hui boulevard Jules-Verne)