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Cet Amiénois à qui Stéphane Hessel doit la vie

En 1944, l’identité de Michel Boitel, ouvrier amiénois mort en déportation à Buchenwald, a été donnée en secret au célèbre résistant, futur diplomate, qui put ainsi quitter le camp.

Cet Amiénois à qui Stéphane Hessel doit la vie  © D.R.
La photo de Michel Boitel, en médaillon sur le caveau familial. Et ci-dessous, Stéphane Hessel.

15.05.2024

JDA 1081

« Je dois ma vie au fait que le 20 octobre 1944, Michel Boitel, un très gentil tourneur qui était mourant du typhus, est finalement mort. » Les mots sont de Stéphane Hessel dans ses dernières années, celles d’une vie qui dit tout ou presque du XXe siècle : naturalisé français après être né en Allemagne, membre des Forces françaises libres qu’il a rejointes en 1941, arrêté, déporté, échappé. Cet ardent défenseur des droits de l’homme a ensuite été diplomate, ambassadeur à l’ONU et même l’auteur à 93 ans d’un essai, Indignez-vous !, aux 4 millions de lecteurs. Un destin incroyable qui aurait pourtant dû être fauché en 1944, à Buchenwald, là où il devait être fusillé. C’était sans compter sur le plan d’un agent britannique, Forest Frederick Yeo-Thomas, emmené à Buchenwald avec Hessel. Son idée ? Convaincre un médecin SS de substituer les identités de résistants promis au peloton d’exécution avec des détenus du camp morts du typhus.

Un homme mène l’enquête

Sa survie, Stéphane Hessel la doit donc à un mort : Michel Boitel, décédé à 21 ans du typhus dans ce camp de concentration nazi à l’est de l’Allemagne où il venait d’être déporté en septembre 1944. Le jeune homme, ouvrier à l’usine Dollé d’Amiens avait d’abord été envoyé dans un camp de travailleurs à Stolberg au titre du STO (Service du travail obligatoire). « A-t-il résisté ? A-t-il fait un acte de rébellion ? », s’interroge Laurent Lopez-Szarfsztejn qui a ravivé le souvenir de Michel Boitel.

 

Mort pour la France

Cet habitant de Gapennes (275 habitants au nord-est d’Abbeville) était intrigué à chaque commémoration. « Je voyais ce nom sur le monument aux morts avec la mention “déporté” entre parenthèses, sans plus d’explication. Dans le village, personne ne savait. » Et personne n’avait fait le lien avec les récits de Hessel. Laurent Lopez-Szarfsztejn remonte le fil, multiplie les contacts, « une vraie chaîne de fraternité ». Les signes sont même troublants : « Je me suis rendu compte que j’avais acheté ma maison en 2005 à deux cousins germains de Michel Boitel, décédés avant que je ne lance mes recherches. » Elles seront fructueuses. « J’ai découvert que Stéphane Hessel était venu voir la mère de Michel qui vivait à Gapennes. Il n’avait d’ailleurs pas été bien reçu. Il y est retourné et cela s’est apaisé. » Cette mère, divorcée dans les années 1930, fut directrice de l’école située au 305, route d’Abbeville à Amiens, là où elle vivait avec Michel quand il fut envoyé en Allemagne avant de revenir dans son village et de se battre pour faire reconnaître son fils comme “mort pour la France” en 1963. Quatre-vingts ans après sa mort, Michel Boitel est un peu moins oublié.

Antoine Caux

 

Anne Hessel : « Sans Michel, nous ne serions pas là »

La fille de Stéphane Hessel était présente le 8 mai à l’hommage rendu par la Ville d’Amiens à Michel Boitel lors de la pose d’une plaque à l’école de la route d’Abbeville où ce jeune tourneur-fraiseur habitait avec sa mère quand il fut réquisitionné pour le STO. « Si Michel n’avait pas donné sa vie à Stéphane, nous ne serions pas là, mes frères et moi. » L’un de ses frères se prénomme d’ailleurs Michel. « Nous sommes issus de ces deux vies, nous avons une double paternité. »