Contre la précarité, Amiens innove
Cueillettes, friperies, conciergerie, bricothèque, frigos partagés... Afin de soutenir le pouvoir d’achat des plus modestes, la Ville d’Amiens développe via son CCAS des nouveautés alliant autonomie et entraide.
16.10.2024
JDA 1095
Avec 20 tonnes de fruits et de légumes déjà collectés cette année – et l’ambition d’en récolter 50 en 2025 –, les cueillettes solidaires réalisées bénévolement par des bénéficiaires des aides du Centre communal d’action sociale de la Ville d’Amiens (CCAS) auprès des producteurs locaux ont déjà permis la distribution de 2 000 paniers à 858 familles. D’ici la fin de l’année, le CCAS estime que ce seront 1 750 familles sollicitant l’aide alimentaire qui pourront ainsi retrouver via ces paniers l’équivalent de 100 € de pouvoir d’achat. Sans emploi, handicapés, âgés, étudiants, familles monoparentales... : comme ailleurs, les Amiénois qui entrent dans ces catégories subissent davantage l’augmentation du coût de la vie. À lui seul, le prix des denrées alimentaires a bondi de 16 % entre 2020 et 2022. Et malgré la baisse de 2,1 % des prix à la consommation en juin (estimation de l’Insee), les publics les plus fragiles restent durement touchés.
300 000 € supplémentaires
C’est pourquoi la Ville d’Amiens s’est engagée à développer de nouvelles réponses sociales afin de rendre 200 € de pouvoir d’achat par mois aux Amiénois vivant en dessous du seuil de pauvreté et jusqu’à 20 % au-dessus (lire ici l’article du JDA #1070). « Ce plan, c’est plus de 4,5 millions d’euros de pouvoir d’achat redonné aux Amiénois sur une année, souligne Mathilde Roy, adjointe au maire déléguée au Pacte pour le bien-vivre. 300 000 € supplémentaires sur trois ans ont été débloqués au budget du CCAS. C’est un effort très conséquent. Près de 32 000 Amiénois vivent avec de faibles ressources, 38 000 si l’on compte les travailleurs pauvres alors que seuls 7 000 sollicitent les aides du CCAS. »
Friperies tous les mois
Parmi ces mesures, on relèvera le succès des friperies solidaires organisées tous les mois dans des quartiers différents avec l’association Les Robin.e.s des bennes, réunissant près d’un millier de participants à chaque rendez-vous. Ils repartent chacun avec un sac de vêtements d’une valeur de 200 €. Soit, sur un an, 2 millions d’euros de pouvoir d’achat retrouvé pour 10 000 personnes. Les prochaines se tiendront les 15 et 16 novembre à l’auberge de jeunesse du square Friant, quartier Saint-Honoré, puis les 4 et 5 décembre à la salle de Grâce, à Montières.
Aide contre services
Autre innovation : la conciergerie solidaire et sa bricothèque ouverte en juin au CCAS, dans le centre-ville. L’idée ? Proposer des services contre du volontariat. Ou, comme le formule Mathilde Roy, « prôner l’autonomie et l’entraide plutôt que l’assistanat afin de rendre les bénéficiaires acteurs de leur vie. Ils ne consomment pas, ils participent. Ça valorise leur image et l’estime de soi (lire ci-contre, ndlr) ». On retrouve aussi dans la panoplie des nouveautés un microcrédit sous forme de prêt d’honneur : l’occasion de donner un coup de pouce quand il faut changer le réfrigérateur ou la machine à laver. L’implantation de nouveaux chalets solidaires qui pourraient, à terme, permettre la distribution de vêtements, est aussi dans les tuyaux. Tout comme une mutuelle à tarif accessible pour les personnes en situation de précarité ou aux faibles ressources. Autant d’actions qui visent à adoucir la dureté du quotidien de nombreux Amiénois.
Ingrid Lemaire
4,5 millions d’euros
C’est la somme annuelle de pouvoir d’achat que le CCAS redonne aux Amiénois
Un permis et des vélos pour la mobilité
En plus du dispositif Pass’ ton permis qui s’adresse aux 18-25 ans, la Ville élargit aux 26 ans et plus cette offre de 600 € pour financer son permis en échange de soixante heures d’engagement citoyen. Une quarantaine de demandes seront accordées. Avec la même idée de favoriser la mobilité des personnes précaires, la Ville a prévu un budget de 15 000 € qui permettra de prendre en charge des abonnements à un vélo. L’économie est estimée entre 75 et 170 € par personne.
La conciergerie solidaire, une vraie boîte à outils
Des réponses aux problèmes du quotidien (numérique, mobilité, lien social, habitat, accès aux droits, alimentation, santé et hygiène, équipement, animaux…) : la conciergerie solidaire ouverte fin juin au CCAS (1 bis, place Léon-Gontier) offre plus de 70 services assurés par le CCAS lui-même, des associations ou des entreprises. « 180 inscriptions sont déjà enregistrées. Les adhérents ont formulé 524 demandes et proposé de rendre 400 services bénévolement, indique Catherine Girard, la directrice du CCAS. Cette conciergerie a permis de recruter six nouveaux volontaires pour faire des visites à domicile auprès de seniors isolés et de trouver des solutions de mobilité à 17 personnes. Trois dossiers de rénovation énergétique ont aussi été montés. » Au sein de la conciergerie, on trouve une bricothèque qui propose des outils de bricolage et de jardinage (échelle, tondeuse, tapisseuse, boîte de tournevis… et même bétonnière ! ). « La bricothèque permet le prêt de matériel à ceux qui n’ont pas les moyens d’en acheter. » Pour ses utilisateurs, le CCAS estime à 200 € par mois la somme économisée.
Des frigos partagés et partout
Le premier est implanté à l’auberge de jeunesse depuis juin 2023. 350 kilos de nourriture y sont déposés chaque mois. Et depuis février, neuf autres de ces frigos partagés, gérés et approvisionnés par des structures de proximité, sont en cours de déploiement. On en retrouve déjà au Relais social (400, boulevard de Beauvillé, photo avec l'élue Mathilde Roy et la directrice du Relais Jacqueline Quillet), à l’Alco (8 bis, avenue de la Paix), à la tour du Marais (120, rue Simone-Signoret), et à l’Apremis (21, rue de Sully). Sur une année, par frigo, on estime rendre 15 000 € de pouvoir d’achat aux Amiénois.