Elle va au bout de ses rêves

“Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve une réalité”, écrivait Saint-Exupéry. Anne-Claire Giraudet, 34 ans et visage à la ligne claire, a choisi d’en faire des dessins. Chaque matin, elle note le récit de ses rêves dans des carnets qui s’accumulent depuis le collège. « L’autre nuit, mon cœur m’était sorti de la bouche… », raconte cette voix douce aux notes d’Occitanie, elle est née à Cahors (Lot). Ça donnera une BD sans bulles et en dix planches publiée sur son compte Instagram où l’on retrouve ses aquarelles, sa touche et ses pastels. « Le mieux est de le noter au réveil. Si je n’ai pas le temps, je me le répète toute la journée. » Une vraie méthode. « C’est autant une matière première qu’une quête personnelle, une quête introspective pour comprendre qui l’on est, ce qui oriente nos choix et notre inconscient… »

DOUBLE VIE
Ses rêves, elle dit les aimer tous. Mais l’aveu de sa préférence pour les cauchemars tranche avec son côté frêle. « Ils sont parfois glauques mais offrent plus de plaisir à explorer et à peindre. Ça donne une double vie plus fascinante que la réalité… » La réalité, c’est que l’activité d’Anne-Claire Giraudet foisonne. On avait vu ses illustrations pour le conte La Fille au grain dans l’œil (éd. Engelaere) de Claude Tillier fin 2019 (JDA #934) ou dans l’ouvrage collectif Amiens, de Samarobriva aux guerres de religions (éd. Petit à petit). On la retrouve dans Avalanche II (JDA #979), le magazine des  bibliothèques d’Amiens Métropole et du Frac Picardie, sur l’application lilloise Bibliomobi et désormais sur les murs de “sa” ville : elle signe l’affiche de l’exposition Le 9^e art dessine la cathédrale d’Amiens pour les 800 ans de sa construction, à la gare jusqu’au 30 juin, dans les rues jusqu’en décembre et même à l’intérieur de Notre-Dame en octobre.

CONFINEMENT INSPIRANT
Des lunes s’y entrecroisent. Une jeune fille sur les toits emprunte un chemin sinueux vers la rosace. L’onirisme d’Anne-Claire sévit et, hasard, apparaît en écho à l’affiche pour les Rendez-vous de la BD 2021 de Cyril Pedrosa (lire ici). « C’était la vue que j’avais depuis chez moi pendant le premier confinement, détaille l’illustratrice. Elle était devenue mon échappatoire, une compagne. » La jeune femme dit avoir bien vécu cette période, presque inspirante. Elle s’est mise à l’acrylique, à la sculpture. « Contrairement à un musicien qui a besoin d’une scène, le dessinateur est solitaire, il y a une habitude à être enfermé chez soi. Et puis j’aimais cette sensation que tout était en suspens, on fuyait le quotidien. » Le songe n’est jamais loin.

SAUTE LE PAS À AMIENS
Plus jeune, Anne-Claire dessine mais ne se rêve pas dessinatrice. « Quand on s’oriente, on ne connaît pas les métiers. » Cahors, Toulouse, Aix… La voilà à Amiens en 2009 pour un master culture et patrimoine. Elle bosse à l’école de cirque. Mais plaque tout pour sa passion : l’illustration. « J’ai eu la chance de me lancer ici, à Amiens. » Car elle intègre alors le diplôme universitaire de bande dessinée, exclusivité locale. Saut dans l’inconnu pour cette admiratrice de Michel Gondry ou David Lynch, moins de BD – « Je m’y suis mise depuis ». Le “DU” lui ouvre des portes. « L’association On a marché sur la bulle a une telle renommée, la visibilité est énorme. Ça donne une crédibilité à notre travail. » Et tant pis pour la précarité de l’emploi. Son mémoire portait sur… le rêve dans la BD. Elle n’a pas fini de nous offrir les siens.

//Antoine Caux