Maier du côté de chez Proust
La psychanalyste-économiste-historienne-scénariste aux attaches camonoises Corinne Maier publie un roman graphique sur la relation entre l’écrivain et sa gouvernante-confidente.
07.12.2022
JDA 1031
Le New York Times l’a désignée en 2004 icône de la contre-culture après son livre Bonjour paresse sur l’art d’en faire le moins possible en entreprise. Il y eut aussi No Kid (2007) et ses 40 raisons de ne pas avoir d’enfant ou Dehors les enfants (2021) sur comment virer les Tanguy restés dans le confort des parents. Corinne Maier (française, belge, suisse, dans le désordre), écrit souvent à contre-courant. Quoique. Ces livres sont des best-sellers: « J’ai eu des succès, des ennuis et des gueules de bois. J’ai exaspéré mon employeur, scandalisé les parents, agacé les Français et séduit ceux qui prennent le parti d’en rire ». Épicurienne, éclectique. Dargaud la sollicite un jour en tant que psychanalyste pour écrire le scénario d’une BD sur Freud. Suivent Marx, Einstein et une quasi-autobiographie, Ma vie est un best-seller. Dernière sortie : Monsieur Proust, qui paraît à l’occasion du centenaire de la disparition de l’écrivain. Avec Stéphane Manel au dessin, Corinne Maier adapte le livre de Céleste Albaret qui fut sa femme de chambre de 1913 à sa mort. Parce qu’on a souvent croisé Corinne Maier du côté de Camon, elle s’est prêtée aux questions / réponses. Pas du tout du temps perdu.
Antoine Caux
© Éditions Seghers
JDA : Comment vous est venue l’idée de cette BD ? © Ewa Rudling Corinne Maier : Je suis tombée sur le livre de Céleste Albaret dans une bibliothèque en Lozère. Son récit m’a fascinée. J’ai eu l’impression de me glisser dans les coulisses de l’œuvre, de regarder par le trou de la serrure.
Faites-vous partie des admirateurs de Proust ? Oui, j’adore La Recherche, un livre fascinant et complètement barré. Il est plein de mauvais sentiments – envie, jalousie, hypocrisie, égoïsme –, ce qui tranche avec beaucoup de livres mièvres tels qu’on en trouve trop souvent dans les librairies. Et puis Proust manie un humour très acide, sa satire est impitoyable.
Comprend-on mieux Proust quand on comprend sa relation avec Céleste ? Cette relation, ce mélange d’emprise, de domination et d’affection, est très spéciale. Je ne sais pas si on comprend mieux Proust, mains on comprend mieux certains sentiments complexes qui animent les personnages de son livre.
Votre livre est-il un bon moyen d’aborder Proust ? Des lecteurs nous ont dit qu’ils avaient “débuté” dans Proust grâce à Monsieur Proust. Nous en sommes fiers. L’œuvre de Proust appartient à tout le monde, c’est dommage de la laisser à un petit groupe de spécialistes. Un conseil pour lire La Recherche : commencer par le début – Du côté de chez Swann – et ne pas hésiter à sauter certaines descriptions un peu longuettes.
Quel est votre lien avec Camon ? Ma belle-mère y habite. Mon mari et moi y venons depuis longtemps nous promener, faire du vélo et du bateau. Nous sommes très attachés aux hortillonnages et très vigilants à leur préservation.
Avez-vous lu la préface de La Bible d’Amiens de Ruskin signée Proust ? Pas encore. Pour l’instant je souffre d’une Proust-indigestion. Mais j’y reviendrai... Propos recueillis par Antoine Caux
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