Voyage au centre de la Préhistoire
Des bifaces de Saint-Acheul aux Vénus de Renancourt, la Somme additionne les découvertes préhistoriques. En témoigne une riche exposition au Musée de Picardie : La Somme des Préhistoires.
10.04.2024
JDA 1078
En 1859, un événement marque la naissance de la préhistoire en tant que discipline scientifique – la science de l’homme avant l'histoire – et de la Préhistoire en tant que période. Cette année-là, des scientifiques français et britanniques adoubent les travaux de l’Abbevillois Jacques Boucher de Perthes, considéré comme le “père de la préhistoire”. Un « poète, fantasque et opiniâtre », décrit Agathe Jagerschmidt-Séguin, conservatrice au Musée de Picardie et commissaire scientifique de l’exposition La Somme des Préhistoires.
La vallée des merveilles
C’était l’époque du développement économique, du chemin de fer, des constructions, des carrières. Des découvertes de bifaces à Abbeville et Amiens – à Saint- Acheul – vont sous l’impulsion de Boucher de Perthes valider la grande ancienneté de l’humanité, faire de la vallée de la Somme le berceau de la préhistoire et de Saint-Acheul le nom d’une culture de l’âge de pierre (au paléolithique inférieur) : l’acheuléen. Voilà pourquoi le buste de l’ancien douanier a trouvé sa place dans la grande exposition 2024 des musées d’Amiens, aux côtés de reproductions, de vidéos, de nombreux objets préhistoriques et d’éléments interactifs. Et même d’animaux naturalisés : « Sans animaux, il n’y aurait pas d’hommes, car ces derniers étaient des chasseurs-cueilleurs », rappelle Clément Paris, archéologue de l’Inrap et également commissaire scientifique de l’exposition.
L’attaque des Vénus
La Somme des Préhistoires entend donc passer un message : « Dire aux Amiénois combien ils peuvent être fiers de leur histoire », appuie Pierre Savreux, vice-président d’Amiens Métropole délégué à la culture. Il s’agit, complète le directeur du Musée de Picardie Pierre Stépanoff, de « faire comprendre que notre territoire est un lieu de découvertes prestigieuses, il y a cent cinquante ans comme aujourd’hui ». Les dernières à avoir fait date sont les Vénus de Renancourt trouvées lors de fouilles menées depuis 2013 par Clément Paris et attestant une occupation humaine il y a vingt-sept mille ans, en pleine période glaciaire. Un petit chamboulement et un gisement exceptionnel, mis en valeur dans une pièce dédiée de l’exposition.
Science et imaginaire
Cette somme de savoirs a obtenu le label d’intérêt national du ministère de la Culture, signe de « qualité tant d’un point de vue scientifique que de médiation », poursuit Pierre Stépanoff. L’exposition, fruit d’une « expertise collective du monde de la recherche et de nombreuses institutions » se veut à la fois « exigeante, intuitive et grand public, laissant de la place à l’imaginaire ». Car on a le droit d’imaginer : « Les archéologues eux-mêmes le font ! », sourit Agathe Jagerschmidt-Séguin.
Jean-Christophe Fouquet
La Somme des Préhistoires
Jusqu’au 3 novembre au Musée de Picardie
SOMME DE CHIFFRES4institutions composent le comité scientifique de cette exposition : l’Inrap, le CNRS, le Muséum national d’histoire naturelle et la Drac Hauts-de-France. 5étapes dans le parcours, de la représentation artistique de la Préhistoire au zoom sur les fouilles de Renancourt en passant par la naissance de la préhistoire, son évolution scientifique ainsi qu’un voyage de sept cent mille ans le long de la Somme en 18 sites de fouilles. 15statuettes de vingt-sept mille ans exposées, soit les trois quarts des petites représentations féminines en craie exhumées à Renancourt depuis 2014. Avec un trio de stars : la Vénus de Renancourt (2014), morcelée, la plus grande (1) ; la Dame d’Amiens (2019), bien plus petite mais entière (2) ; la Tête d’Amiens (2021) arborant un visage (3). 116rendez-vous donnés par les musées d’Amiens autour de La Somme des Préhistoires. Des visites guidées, des ateliers, des conférences, des spectacles... Cela se passe au Musée de Picardie, mais aussi au Jardin archéologique de Saint-Acheul et à la Maison de Jules Verne, où l’écrivain et la préhistoire s’exposent jusqu’au 4 novembre (lire ici l’article du JDA #1075). 350cartels composent l’exposition au Musée de Picardie. Pour tout voir, il faudra à peu près quatre heures. |