« Zazie m’a accompagnée depuis mes 5 ans »
Zabou Breitman adapte le roman de Raymond Queneau en comédie musicale. La MCA l'accueille quatre soirs.
21.02.2024
JDA 1074
JDA : Que dit l’histoire de Zazie de notre époque ?
Zabou Breitman : Elle raconte avant tout la sienne, celle de 1959. Par le prisme d’une fillette de 12 ans, Raymond Queneau met des mots sur les paniques et les recherches des humains. Il dénonce les pressions des adultes sur les enfants, comme les abus sexuels. Il y a ce personnage sans identité, ou plutôt avec plusieurs ! Il ne sait pas d’où il vient, n’a pas de racine, pas de pensée propre. Alors, c’est un individualiste, un danger public. Sans oublier la question de l’homosexualité et du genre, à travers l’oncle Gabriel, transformiste dans un cabaret, et sa femme Marcelline qui devient Marcel. En 1959, l’homosexualité était un crime, la peine de mort encore en vigueur.
Avez-vous été inspirée par le roman ou le film de Louis Malle ?
Le roman. J’avais aussi le film en tête mais il y manque la noirceur et la cruauté du conte philosophique et initiatique imaginé par Queneau. Zazie m’a accompagnée depuis mes 5 ans. Mon père adorait la pataphysique, cette science de l’imaginaire où ce n’est ni oui ni non, mais tout à la fois. C’est une manière de penser globale qui influence même le langage. L’adapter était complexe. Je voulais que le spectacle ait le parfum du roman, l’impression qu’il laisse une fois terminé.
Pourquoi en avoir fait une comédie musicale ?
L’écriture de chansons originales me permettait de faire résonner la prose de Queneau, tout ce qui n’est pas du dialogue : les noms des personnages, certaines situations, indications. Je me suis attachée à élaborer une pataphysique visuelle pour les décors. Cela m’a permis aussi de montrer que le récit se déroule sur un week-end à Paris, pendant lequel on voit Zazie s’interroger et grandir. Zazie est infernale et pense tout savoir, refuse les codes de la société et désobéit comme une ado. Mais elle n’a pas raison sur tout. La comédie musicale conserve cet humour, cette forme légère qui sert un propos pourtant sombre. Le langage de Queneau est libre mais très construit et rigoureux. Le spectacle s’adresse à tout le monde. Mais avant 12 ans, il sera difficile d’entendre cette manière de raconter.
Propos recueillis par Candice Cazé
Zazie dans le métro
- Les 12 et 14 mars, à 19h30
- Les 13 et 15, à 20h30
À partir de 12 ans
À la Maison de la culture