Place Alphonse Fiquet - Les cheminots dans la Résistance
Les cheminots ont été un des groupes professionnels les plus engagés dans la lutte contre l’occupant, essentiellement pour deux raisons : un esprit de corps important et le rôle stratégique des transports ferroviaires dans la conduite de la guerre.
L’image spectaculaire des sabotages des voies ferrées qui a marqué la mémoire collective ne doit pas masquer d’abord les actes de résistance individuelle puis les engagements collectifs au sein de différents mouvements.
Les premiers à entrer dans la Résistance sont souvent des syndicalistes et des communistes, reflet des liens de solidarité existant avant la Seconde Guerre mondiale.
Amiens et le dépôt de Longueau, nœud ferroviaire à mi-chemin entre Paris et Lille et à la limite de la zone interdite sont une bonne illustration de l’action des cheminots pendant l’Occupation.

Affichette de 1939.
Engagement individuel, action collective
Réagir contre l’occupant et la main-mise sur le matériel se traduit d’abord par des gestes individuels comme changer les étiquettes de destination des wagons ou retarder la remise en état du matériel parfois volontairement saboté.
Aider à passer clandestinement entre la zone d’occupation et la zone interdite suppose d’être en lien avec d’autres Résistants qui, à l’origine, ont pu contacter les cheminots pour faire transporter du courrier et des journaux clandestins ou obtenir de leur part des renseignements sur la circulation des trains militaires.
L’action collective reprend parfois les formes de lutte traditionnelle.
Ainsi Le 1er mai 1941 les cheminots d’Amiens cessent le travail à 11h et font connaître à la direction leurs revendications dont l’une est de ne plus conduire les trains militaires allemands.

Le Rail Rouge, journal clandestin des cheminots communistes d’Amiens, octobre 1941.
Des actions spectaculaires
Les cheminots peuvent être les auteurs directs des sabotages d’installations ferroviaires mais une explosion dans un dépôt désigne tout de suite les responsables éventuels aux yeux de l’occupant et de la Police française.
Ainsi dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, une grue de 32 tonnes est sabotée au dépôt d’Amiens, l’immobilisant pour 15 jours. Puis la plaque tournante du dépôt d’Amiens saute le 11 mai 1942, ce qui paralyse pour longtemps le trafic.
A titre de représailles, les Allemands arrêtent entre le 3 et le 20 mai 37 cheminots du dépôt d’Amiens. Neuf d’entre eux sont déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Ils sont tous communistes ou considérés comme tels. Un seul reviendra.
Les cheminots facilitent aussi les déraillements des trains allemands qui se multiplient à partir de 1943, suite à l’action des FTP. en faisant connaître leurs déplacements et surtout en popularisant la technique d’écartement des rails par déboulonnage.
En 1943, première année des sabotages systématiques, la ligne Amiens-Arras connaît 11 déraillements selon cette technique. Au total on compte 113 sabotages dans le département de la Somme en 1943 et plus du double (243) en 1944. Empêcher le déploiement des troupes allemandes est devenu vital.

Extrait du rapport envoyé par le préfet de la Somme, le 17 février 1943 « à Monsieur l’Ambassadeur de France Secrétaire d’État, près le chef de gouvernement à Paris ».
Un lourd tribut
Parmi la longue liste des noms des cheminots inscrits sur le monument aux morts de la gare d’Amiens, on compte 16 personnes s’étant engagées dans la Résistance.
Certains, comme les communistes Paul Baheu, Fernand Charlot ou Clovis Dehorter moururent en déportation à Auschwitz en 1942.
D’autres furent condamnés à mort comme le communiste Raymond Gourdain fusillé au Mont-Valérien le 21 mars 1942 ou comme Germain Bleuet affilié au mouvement Libération et exécuté à Arras le 5 avril 1944. Certains sont morts l’arme à la main comme Georges Quarante, résistant FFI qui participa à la libération d’Amiens et fut tué le 31 août 1944.
Un 17ème nom doit être cité, il s’agit de Jean Catelas. Ce chef de train, devenu député communiste en 1936, puis l’un des responsables du Parti communiste clandestin en 1939 a été guillotiné le 24 septembre 1941.

Stèle commémorative de l'Etablissement de Maintenance du chemin de fer d'Amiens.
A proximité de la gare, deux lieux de mémoire
Le 31 août 1944, la défense du pont Beauvillé
Cinq jours après la Libération de Paris le 25 août 1944, la 2e division blindée britannique est aux portes d’Amiens. Objectif : libérer la ville avec l’aide des résistants des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) et s’emparer des ponts que les Allemands ont minés.
Le 31 août, à 8h00 , une poignée de résistants, FFI et policiers s’élancent pour tenter de détruire le dispositif d'explosion ennemi. Christian Blondin et Jean Arthur Vandenabeele se cachent dans la cave d'une maison puis progressent vers leur objectif. Ils sont repérés par les Allemands en poste sur le pont qui ouvrent le feu.
Alertés par la fusillade, deux groupes de résistants viennent en renfort, emmenés par le commissaire Misery et les agents Blanchet père et fils.
Les deux résistants parviennent à se glisser sous le pont, Christian Blondin sectionne les fils de mise à feu des explosifs. Dans le même temps une partie des Résistants franchit le pont, la fusillade se poursuit, faisant des morts dans les deux camps.
Un tank anglais arrive et tire un obus , mettant fin aux combats. Les Allemands s'enfuient, les résistants les poursuivent. Clément Lenglacé est tué pendant l'opération.

Au 67 rue de Cottenchy, la plaque en hommage À Edouard Prarond
Ernest Prarond, né en 1896 fut pilote d'avion pendant la guerre de 1914-1918.
Mobilisé de nouveau en 1939, il est fait prisonnier en 1940 et libéré en 1941 comme ancien combattant.
En 1942 il rejoint la Résistance au sein du réseau Centurie, la branche renseignements du mouvement Organisation civile et militaire (OCM) puis le réseau Samson en juin 1943.
Il est chargé de repérer les sites d'envoi des V1, bombes volantes dirigées vers l'Angleterre, et des V2, ces premiers missiles conçus par les savants allemands.
Arrêté par la police militaire à Amiens, il est transféré à Arras où il est fusillé le 15 avril 1944.
Pour aller plus loin : consulter le dictionnaire biographique Le Maitron |
