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Bandeau / Haut page © Amiens Métropole

Septembre 1954, les ouvriers s'affairent pour installer une lourde pierre calcaire à l'aspect proche du marbre. Elle pèse 14 tonnes et mesure 4 mètres de long, 2 mètres de large pour 60 centimètres d'épaisseur.

Il y est inscrit en lettres de bronze « Aux Picards Martyrs de la Résistance ». Devant cette pierre, il est prévu que brûle en permanence une flamme du Souvenir.

Après des années d’attente, et des hésitations sur son emplacement, le monument est inauguré le 5 septembre 1954 au cœur de la ville devant près de 3 000 personnes. Il sera désormais, avec le poteau des fusillés, le lieu des principales cérémonies célébrant la Libération d’Amiens en 1944 et les Journées nationales de souvenir et d’hommage.

C’est pourquoi à l’inscription initiale, deux autres plaques ont été ajoutées, témoins de l’évolution de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale.

Les fonds restés disponibles permettent d'ériger des stèles identiques de taille réduite dans trois villages aux alentours d'Amiens.

Place René Goblet - 1954, l’hommage à la Résistance © Archives de la Somme

Carton d’invitation à la cérémonie d’inauguration.

Honorer l’engagement de tous, au-delà des sensibilités politiques

Lors de la cérémonie d’inauguration, l’heure est au consensus, comme le proclame le président du comité local de Libération Marcel Denant : ce monument, constitué par une seule grande pierre rapportera ce que fut le bloc uni, sans failles, et sans fissures de la Résistance.

Mais dans les faits la Résistance à Amiens fut diverse et parcourue parfois par des enjeux de pouvoirs.

Entrer en résistance en 1940 est d’abord un acte individuel.

Michel Vidal, alors âgé de 15 ans, s’efforce de prendre les armes abandonnées après les combats du mois de mai quand Jeanne Fourmentraux, âgée de 43 ans mobilise les lycéens pour aller ramasser et cacher ces mêmes armes.

Tous les deux s’engagent davantage. Jeanne Fourmentraux fonde le « Bataillon de la mort » tourné vers le renseignement, Michel Vidal rejoint le groupe « Charles de Gaulle » fondé en avril 1942 par Robert Barré et Michel Dubois.

Honorer l’engagement de tous, au-delà des sensibilités politiques © Courrier Picard du 4 septembre 1954

Appel du Comité d'Action de la Résistance et du Comité d'Union de la Résistance reproduit dans le Courrier Picard du 4 septembre 1954.

Une Résistance plurielle

A partir de 1941, la Résistance se structure, le plus souvent selon les affinités existantes avant-guerre. Ainsi Léon Gonthier et Léon Sellier sollicitent des militants socialistes, Augustin Dujardin et Armand Duvivier rassemblent les militants communistes dont le parti a été interdit dès 1939.

Les réseaux tournés vers le renseignement et les filières d’évasion utilisent Amiens comme plaque tournante. Parmi les mouvements qui visent à mobiliser l’opinion militaire puis à mener une lutte armée, les Francs Tireurs et Partisans lancés par le Parti communiste représentent la première force. Avec plus de 600 engagements recensés entre mai 1942 et mars 1944, ils vont multiplier les actions de sabotage sur Amiens et tout le département. A leurs côtés, il faut citer l'Organisation Civile et Militaire (l’OCM) et Libération nord, au nombre d’engagements moindre respectivement 117 et 86.

C’est à partir de 1943 que la Résistance prend de l’ampleur avec l’instauration du Service du travail obligatoire qui mobilise pour deux ans les jeunes gens nés entre 1920 et 1922 et dans l’obligation de partir travailler en Allemagne (ou en France), en guise de service militaire.

 

 

Une Résistance plurielle © Photographie prise le 14 juillet 1944 et reproduite sur le site dédié au 416th Bombardment Group (L).

Photographie prise le 14 juillet 1944 et reproduite sur le site dédié au 416th Bombardment Group (L).

A l’approche du débarquement et de la Libération, les rangs des groupes de résistants se renforcent.

Au-delà de quelques actions spectaculaires, la Résistance fut d’abord un ensemble d’engagements plus discrets comme le renseignement, l’accueil des et l’organisation de filières d’évasion pour les aviateurs alliés abattus.

Jeanne Vignon s’illustra dans cette dernière forme de résistance. Elle pose ici, en compagnie de ses petits-enfants et des 12 aviateurs alliés cachés chez elle (photo ci-dessus).

On compte sur Amiens plus de 50 personnes qui ont hébergé des aviateurs.

L’unification de la Résistance

Après la création du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943 sous l’impulsion de Jean Moulin, tous les acteurs locaux de la Résistance sont appelés à se regrouper.

Dans la Somme, une première réunion se tient en novembre 1943 puis une seconde en février 1944 pour s’accorder sur la composition du Comité Départemental de Libération dominé par le Parti communiste et ses alliés. De même le Comité Local de libération, constitué le 6 juin, donne la plus grande part aux communistes aux côtés des socialistes.

En parallèle l’unification se fait sur le plan militaire avec la constitution d’un état-major des Forces Françaises de l’Intérieur (F.F.I.) dirigé par deux anciens officiers Gaston Blanchard et le Commandant Defontaine au titre de l'Organisation de résistance de l'Armée (ORA). Mais ces derniers sont arrêtés le 24 août. Le commandement revient à André Loisy, dit Jarnier, responsable des Francs-Tireurs et Partisans.

 

 

L’unification de la Résistance © D.R.

Plaque apposée au 49 rue des Jacobins, à Amiens, où était installée l’étude d’avoué de Gaston Blanchard.

La participation de la Résistance à la libération d’Amiens

A 3h30 du matin, le 31 août 1944, des fusées éclairantes tirées par un avion allié donnent le signal aux Résistants de se préparer à libérer la ville. La 2e division blindée britannique qui vient de Pont-de-Metz a pour objectif de s’emparer des ponts que les Allemands ont minés.

Alors que les tous premiers chars britanniques abordent les faubourgs sud de la ville, les FFI emmenés par le commandant Louvel tentent de s’emparer du pont Cagnard mais les Allemands, après avoir riposté, réussissent à déclencher les détonateurs.

Les tanks alliés conduits par le commandant Loisy, dit Jarnier, avancent sur le boulevard Châteaudun et font reculer les Allemands.

A 7h, les résistants occupent, au prix de violents combats la Préfecture, l’Hôtel de Ville et le central téléphonique.

 

 

La participation de la Résistance à la libération d’Amiens © Archives municipales et communautaires de la ville d’Amiens 7Fi157

Deux ponts vont être sauvegardés par les FFI ouvrant ainsi le passage aux blindés : le principal, celui du boulevard Beauvillé et les ponts de Montières à l’ouest de la ville.

A 10h le drapeau américain flotte au balcon de l’hôtel de l’Univers, bientôt suivi par les couleurs françaises, britanniques et belges tandis que les Amiénois cassent les barrières et les pancartes en allemand.

A 15h la Ville d'Amiens est définitivement libérée, une fois la Citadelle reprise des mains des Allemands.

Un lourd prix à payer

Les Résistants font face à un appareil répressif de plus en plus efficace. Les forces d'occupation militaires disposent de la Geheime Feldpolizei (GFP), la police chargée des enquêtes et de la Feldgendarmerie pour les arrestations, mais comptent aussi sur l’Abwehr, ce service de renseignement allemand en lien direct avec Berlin qui recherche les groupes de résistance. Les occupants peuvent aussi faire appel à la police et la gendarmerie française.

Les personnes arrêtées comparaissent devant le tribunal militaire installé à Amiens. Elles sont condamnées à des peines de prison, à la déportation ou à être fusillées après une sentence de mort. Entre 1940 et 1944, 35 résistants, au moins, sont exécutés dans les fossés de la Citadelle.

Au printemps 1942, la Sipo-SD, la police de sûreté nazie que les Amiénois connaissent sous le nom de Gestapo, se déploie et mène la chasse aux communistes, aux juifs et aux terroristes.

A partir de 1943 surtout, la déportation devient l’instrument principal de répression. On compte sur Amiens 344 personnes déportées dont 197 ne sont pas revenues.

1944 voit les troupes allemandes s’acharner contre les civils et les résistants, en témoigne l’assassinat au bois de Gentelles de 26 résistants emprisonnés à Amiens.

8 sont tués dans la nuit du 8 au 9 mai et 18 dans la nuit du 28 au 29 août 1944.

 

 

Un lourd prix à payer © D.R.

Plaque apposée par la municipalité de Mers-les-Bains au poteau des fusillés d’Amiens.

A proximité : le monument en hommage au Général Leclerc

A l’opposé du square René Goblet, se dresse le monument dédié à la mémoire du Général Leclerc mort dans un accident d'avion en Algérie le 28 novembre 1947.

L’émotion est vive à Amiens car derrière celui qui se faisait appeler Leclerc lorsqu’il menait la 2ème DB à la victoire se cache le représentant d’une vieille famille de la Somme, de Hautecloque.

Un comité se met rapidement en place pour ériger un monument commémoratif à Amiens. Pierre Dufau architecte en charge de la reconstruction d’Amiens propose un projet représentant Leclerc en gisant sur le bas-parvis de la cathédrale, projet refusé par l’épouse du Général Leclerc.

Un deuxième projet est conçu avec le sculpteur Morlaix, square René Goblet. D’une hauteur de 12 m et pesant 112 tonnes, il a la forme d'une colonne avec une croix de Lorraine (symbole de la France libre), montrant le Général Leclerc, torse en avant. Sur les flancs, des sculptures en relief, figurant les étapes de la reconquête du territoire colonial et national.

Le monument est inauguré le 24 juin 1950 en présence des compagnons d’armes du Général Leclerc, élevé à la dignité de Maréchal de France, à titre posthume, le 23 août 1952.

 

A proximité : le monument en hommage au général Leclerc 1 © D.R.

Le 25 mars 2023, au pied du monument du Maréchal Leclerc, deux stèles ont été dévoilées, l'une à la mémoire de Jean Crepin, l'autre à la mémoire de Jacques de Guillebon, enterré à Essertaux, au sud d’Amiens, tous deux Compagnons de la Libération qui combattirent au côté du Général Leclerc.

A proximité : le monument en hommage au général Leclerc 2 © D.R.

A proximité : le lycée Madeleine Michelis

L'ancien lycée d’État de jeunes de filles se situe au 43 rue des Otages. La rue porte ce nom en hommage à 13 habitants de la ville emmenés comme otages par les Allemands en 1914.

Le lycée Madeleine Michelis doit son nom depuis 1975 à cette jeune résistante qui y enseigna comme professeure de lettres classiques de 1942 jusqu’à son arrestation en février 1944.

A proximité : le lycée Madeleine Michelis © Louis Teyssedou

Lycée Michelis, rue des Otages.

Un engagement sans failles

Amiens est le troisième poste d’enseignement pour cette jeune normalienne qui est passé par le Havre puis Paris, au lycée Victor Duruy.

Derrière la professeure qui anime avec passion un atelier de théâtre se cache une Résistante aux engagements plurielles.

Madeleine Michelis a été reconnue « Juste parmi les Nations » en 1997 pour avoir hébergé une jeune juive, Claude Bloch, avant de réussir à lui faire passer la ligne de démarcation pour l'envoyer à l’abri.

Elle entre dans le mouvement de résistance Libération-Nord où elle fut l'agent de liaison de Pierre Brossolette.

Elle est aussi agent du réseau Shelburn spécialisé dans la récupération et l'acheminement des aviateurs alliés vers l’Angleterre.

Soupçonnée, à tort d'être chef d'un secteur de renseignements, Madeleine Michelis est arrêtée le 12 février 1944 et transférée à Paris.

Déclarée morte le 15 février, on ne sait pas si elle s’est suicidée ou si elle a été étranglée par ses bourreaux.

Un engagement sans failles © D.R.