Votre navigateur est obsolète!

Mettez à jour votre navigateur pour afficher correctement ce site Web. Mettre à jour maintenant

×

Bandeau / Haut page © Amiens Métropole

L’attentat du Royal

24 décembre 1942, le soir de Noël, les Francs Tireurs et Partisans réussissent un coup d’éclat : faire exploser deux bombes au pied de la brasserie « le Royal » devenue le foyer des soldats allemands.

Cet attentat spectaculaire, qui provoque de nombreux morts et blessés, est le fruit de l’engagement d’une poignée d’hommes et de femmes décidés de mener le combat contre les troupes d’occupation à un moment où la bataille de Stalingrad fait rage entre forces soviétiques et allemandes et où les États-Unis viennent à peine d’entrer en guerre contre le Japon et son allié, l’Allemagne nazie.

Nous reprenons ici le travail rédigé par Gisèle Cozette, Jacques Lejosne et Claude Leleu à l’occasion du 70ème anniversaire de la Seconde guerre mondiale.

 

L’attentat du Royal © Archives municipales et communales d’Amiens

La première tentative du 11 novembre 1942

A la suite d’une décision des FTP d’attaquer le « Royal », symbole de l’occupation allemande, des réunions préparatoires eurent lieu chez « mémère Dujardin » rue Pauquy et chez Gisèle Dujardin rue Haleine Ridoux entre Jules Bridoux, Jean Petit, Émile Baheu, André Lalou, Charles Lemaire, Lucien Joron et Gisèle Dujardin.

La première tentative du 11 novembre 1942 1 © D.R.

Gisèle Dujardin.

La première tentative du 11 novembre 1942 2 © A.D. 80

Charles Lemaire.

Charles Lemaire alla récupérer une mine anti-char française de 5 kg dans le dépôt allemand au lieu-dit « la Grenouillère » route de Roye et avec l’aide d’Émile Baheu et de Lucien Joron l’équipe, après l’avoir percée d’un détonateur et d’un cordon Bickford dans un atelier de cycles situé boulevard Châteaudun.

Le 11 novembre, André Lalou et Gisèle Dujardin font le guet devant le théâtre rue des Trois-Cailloux. Charles Lemaire et Émile Baheu déposent la mine derrière une jardinière contre la vitre du « Royal » rue des Trois-Cailloux et allument le cordon. Pas de résultat. Le lendemain Charles Lemaire va récupérer la mine (en désamorçant le détonateur, celui-ci éclate, Charles Lemaire sera sourd quelques jours).

L’attentat réussi du 24 décembre 1942

Deux mines antichar ont été récupérées au même endroit que la première fois par Émile Baheu, Lucien Joron et Marcel Martin. Le dispositif est amélioré par un cordon d’amadou caché dans un tube d’aspirine pour une mise à feu de 15 minutes.

Le dispositif se met en place : à 20h45 Charles Lemaire et Marcel Capitaine discutent devant Les Nouvelles Galeries. André Lalou et Arthur Lemaire font le guet rue Ernest Cauvin. Lucien Joron et Paul Petit venant de la place René Goblet se postent sous le porche du magasin Devred.

L’attentat réussi du 24 décembre 1942 1 © D.R.

André Lalou.

L’attentat réussi du 24 décembre 1942 2 © D.R.

Émile Baheu.

Émile Baheux et Jules Bridoux avec chacun une mine dans un sac à dos viennent de la place René Goblet, passent devant le Royal et profitant de l’absence momentanée de la sentinelle pour déposer les mines derrière les bacs à fleurs en bas de la vitre rue des Trois-Cailloux , mettent en place le dispositif. Charles Lemaire les rejoint avec une cigarette et allume le cordon d’amadou vers 21 h.

Marcel Capitaine récupère les armes et les remet à André Lalou, le groupe se disperse. André Lalou et Émile Baheu s’éloignent par le trajet suivant : la rue des Trois-Cailloux, la rue des Otages, la rue Saint-Fuscien, la rue Pointin, la rue du Comte Raoul, la rue de Cagny. Arrivés vers 21 h 30, au carrefour de cette rue avec le boulevard Pont Noyelles, ils entendent une explosion et voient une fumée s’élever du centre-ville, sous l’émotion, ils s’étreignent et se séparent.

L’attentat réussi du 24 décembre 1942 3 © Archives départementales de la Somme

Le bilan se monte à 20, 33 ou 37 morts, 30 ou 50 blessés allemands selon les sources.

 

A la recherche des responsables

L’armée allemande et la Feldgendarmerie, furieuses, cernent le quartier et contrôlent les papiers des passants ainsi que ceux du client le Picardy, rue Ernest Cauvin, où était projeté le film « l’émigrante » et arrêtent de nombreuses personnes emmenées à la caserne Dejean. Elle seront relâchées le lendemain (après avoir ciré des bottes). Dans leur rage, les Allemands gêneront les secours et arrêteront même des policiers français venus les aider.

L’enquête menée par la Feldgendarmerie allemande, la police et la gendarmerie française et surtout par la 21° brigade de police mobile de sûreté de la police judiciaire (dont le siège régional est à Saint-Quentin, centre de leur rayon d’action) ne donnera pas de résultats.

Il n’y aura pas d’arrestation d’otages ni d’exécution de représailles. Des mesures de restrictions furent imposées par les Allemands :

  • Un couvre feu de 19h à 6h du matin à Amiens avec des heures d’obscurcissement de 17h à 8h le lendemain.
  • La garde, par des policiers et des requis, des immeubles occupés par les Allemands comme les Soldatenheims, l’hôtel Univers rue de Noyon, la Sainte Famille place Alphonse Fiquet, l’hôtel de Berny rue de Victor Hugo etc. (mesure levée le 21 janvier).

 

Les arrestations

Opérées par la 21° brigade mobile (dirigées par les commissaires Goulard et Chevalier) qui vise les jeunesses communistes avec pour motif « attentat par explosif », ce dernier n’ayant pas été prouvé malgré l’arrestation de 3 des participants, le jugement du 4 avril 1943 par la Section Spéciale du tribunal de la Somme sera « la reconstitution illégale de l’organisation des jeunesses communistes »

  • Clotaire Chocquet de Longueau
  • Henri Ballet de Longueau (interné 3 mois)
  • Delaporte du Petit-Saint-Jean (relâché)
  • Charles Lavallard d’Amiens le 13/01/1943
  • Georges Boulanger de Longueau le 14/01/1943
  • Pierre Mast d’Amiens le 15/01/1943 (interné 10 mois)
  • André Lalou d’Amiens le 15/01/1943 sur son lieu de travail à Canaples
  • Gisèle Dujardin d’Amiens le 18/01/1943 sur son lieu de travail à Amiens
  • Émile Baheu d’Amiens le 19/01/1943 sur son lieu de travail à Amiens
  • Marie-Jeanne Boulanger de Longueau (mère de Georges, relâchée sous contrôle)
  • Valentin Debailly de Longueau sera recherché mais non arrêté.
Charles Lavallard, Georges Boulanger et Émile Baheu sont condamnés à un an de prison, internés à Amiens, puis un mois à Roullé en septembre 1943, transférés à Compiègne-Royallieu en novembre 1943 et déportés à Buchenwald le 17 janvier 1944 d’où ils reviendront.

 

Ni les Allemands, ni la 21° brigade n’ont su qu’ils détenaient trois des participants à l’attaque du Royal ; de même ils ne surent pas qu’ils avaient arrêté en avril 1943 l’artificier du groupe Charles Lemaire, fusillé à la citadelle d’Amiens le 2 août 1943. Les détails et le nom des participants ne furent connus qu’en 1946.

A la recherche des responsables 1 © Le Progrès de la Somme, 6 avril 1943

Le devenir des autres participants ou impliqués :

  • Lucien Joron et Marcel Capitaine ne seront pas inquiétés et finiront la guerre au sein des FTP-FFI.
  • Paul Petit sera arrêté le 21 avril 1943 et interné à Amiens, Pithiviers et La Rochelle où il s’évadera le 13 mai 1944.
  • Arthur Lemaire sera emmené par les Allemands qu’il attaqua le 28 avril 1944 ; disparu.
  • Jules Bridoux dit « Michel » décédera le 13 août 1943 à l’hôpital de Rouen après avoir été grièvement blessé lors d’une attaque d’une Feldgendarmerie au Havre. Originaire du département du Nord, il fut le responsable militaire des FTP de la Somme d’avril 1942 à avril 1943, organisateur des sabotages de 1942 au printemps 1943 avant d’être muté dans la Seine Maritime. Il avait été condamné à mort par contumace par la Section Spéciale du tribunal de Douai le 9 octobre 1941 pour son intense activité.
A la recherche des responsables 2 © D.R.

Arthur Lemaire.

A la recherche des responsables 3 © D.R.

Jules Bridoux.

  • Jean Petit (père de Paul, inter-régional et colonel FTP, fut fusillé à Biard (près de Poitiers) le 22 septembre 1943.
  • Marcel Martin fut tué le 2 septembre 1944 à la Libération de Cagny.
  • Valentin Debailly, arrêté le 17 janvier 1944, fut déporté le 6 avril de Compiègne à Mauthausen et à Gusen où il décédera en mars 1945.

Qui étaient les F.T.P ?

Les Francs-tireurs et partisans français sont nés au printemps 1942 de l’union des branches armées créées par le Parti communiste français, qui à partir de l’invasion de l’URSS par les troupes nazies en juin 1941, entre dans une logique d’affrontement avec l’occupant.

La lutte armée prend la forme de sabotages et d’attentats contre les soldats. Sous la conduite d’un chef et de son adjoint, les F.T.P s’organisent en petits groupes composés de deux équipes de trois ou quatre personnes réunies le temps d’une opération et qui ensuite reviennent à la vie « civile ».

Des comités militaires interrégionaux et départementaux sont mis en place. À partir de 1943, les FTP attirent des jeunes non communistes qui refusent le Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne permettant la mise en place de petits groupes mobiles dans les villes et les villages.

En 1944, les FTP se fondent dans les Forces Françaises de l’intérieur.

 

 

Qui étaient les F.T.P ? © Picardie Libre

Extrait de la Picardie Libre du 1er novembre 1943. BNF. Gallica

Dans le département de la Somme, les F.T.P représentent la première force recrutant d’abord parmi les ouvriers et les employés à la SNCF, multipliant à partir de 1943 les sabotages des voies ferrées, les attaques contre les mairies et les attentats contre les collaborateurs et les troupes d’occupation.

Au fil des mois, le département est quadrillé par sept compagnies F.T.P. Le prix à payer est une répression accrue à l’image des onze membres du groupe « Michel » fusillés le 2 août 1943.

Signe de l’importance du Parti communiste, quand la Résistance intérieure de la Somme s’unifie au printemps 1944, la présidence du Comité départemental de libération revient à Joseph Holin membre de l'organisation communiste Front national et le rôle de secrétaire à René Lamps, autre militant du PCF.

Pour aller plus loin : une vidéo de l’INA : Les résistants FTP dans la Somme