Antoine Breny, rock’n’roule
800 kilomètres avalés en trois jours dans les nuages du Pays basque. Sans assistance et sans manger grand-chose. La nouvelle corde de l’ancien guitariste des Molly’s, c’est désormais l’ultradistance à vélo. L’Amiénois Antoine Breny raconte sa Transiberica.
09.09.2022
Il a traversé des forêts de ronces en pleine nuit le vélo sur le dos, des pâtures transpercées par les nuages des Pyrénées espagnoles à l’aube. Il a roulé, roulé, roulé. Pédalant jusqu’à 1h30 du matin, ne s’offrant que trois petites heures de sommeil par nuit. « Vers 20h30, j’appelais pour trouver des chambres d’hôtes. Les gens m’attendaient. » Mais pas le temps de converser, départ à 4h30. La douche ? Ce sera pour l’arrivée. « J’avais une brosse à dents quand même », raconte un mois après son exploit et autour d’un verre Antoine Breny.
Fin juillet, cet Amiénois était à Vitoria (Espagne), au départ de la Transiberica, parmi 250 fous furieux de la pédale. Devant eux : 800 km, 16 000 m de dénivelé positif. Et cinq petits jours pour rallier l’arrivée. Aucune assistance, aucune affaire si ce n’est un GPS et du matériel de réparation pour le vélo. Plus précisément pour le gravel (prononcer graveul), un vélo ultraléger capable de sortir des sentiers battus.
« Mon plan, c’était 200 km par jour. » Il fera mieux. Il mange peu mais avale les 800 km en trois jours et demi malgré les embûches. Malgré la solitude – « très vite tu te retrouves seul ». Malgré un caillou dans le genou : « On voyait l’os ! Un mec est venu m’aider mais il a tourné de l’œil ! » Il a fallu trouver une pharmacie mais là le GPS a planté… « C’est une course avant tout contre soi-même alors, tant pis, j’ai continué à avancer, dit-il sereinement, sans chercher l’admiration. L’ultradistance, c’est forcément plein d’aléas, faut juste foncer. »
L’exploit est dingue. Mais l’arrivée presque en catimini. « T’as juste un mec qui t’accueille avec un petit trophée en bois. » Il y avait aussi Zoé, sa copine. Elle lui offre un « Tu schlingues » pour les retrouvailles. Antoine a perdu huit kilos, « vite récupérés », se marre-t-il en avalant sa gorgée de bière.
Antoine Breny fut l’un des quatre visages des Molly’s, groupe de rock amiénois qui a connu son heure de gloire au tournant des années 2010. On l’associait plutôt aux concerts, aux fumées, aux excès. Moins au culte de la souffrance. Il réfute : « Le leitmotiv du gravel, c’est quand même on n’en a rien à f… des codes. » Hyper rock’n’roll. « Il y a aussi des similitudes avec les tournées : on ne sait jamais où on va dormir. » La mère, elle, s’inquiète. Le père, ancien footballeur professionnel, a plutôt le défi sportif dans les gênes. Ceux de Claude Breny, le grand-père, recordman des buts avec Sedan.
Depuis un dernier concert à La Lune le 19 mai 2017 – « Le soir de la montée d’Amiens en Ligue 1 » –, le rock était en sourdine. « Je n’avais plus de passion. » Et puis il y a eu le confinement. « Je suis vraiment le cliché du Français qui s’est occupé et je suis tombé dans le vélo. » Et pas à moitié. Il finit par atteindre 300 km par semaine. Sans aucune préparation physique sinon de pédaler. « L’autre jour, j’ai fait l’aller-retour au Havre. J’ai juste pris une photo et je suis reparti. » 370 km dans les pattes.
Antoine Caux
Photos : Aurélien Buttin, un autre Amiénois qui se lance dans un tour d’Europe en autostop à suivre sur Instagram :