Champignons : « Ne pas se tromper ! »
C’est la saison des champignons. Sans dévoiler les bons coins, le mycologue amiénois Marc Forget partage ses connaissances
18.10.2022
Il dit avoir ramassé des cèpes par kilos depuis septembre. Mais il n’a vu aucune russule depuis plusieurs saisons et guette encore l’apparition des pieds de mouton. Sa grande allure et ses cheveux blancs, l’ancien pharmacien Marc Forget, bien connu de la rue Saint-Leu où il avait son officine, les traîne dès qu’il peut en forêt. Dans le bois Magneux, à Fautimon, à Creuse, avec des amis et tous les curieux à qui il fait partager son savoir. Celui-ci remonte déjà à quelques années : l’homme a eu la passion des champignons en suivant, dès 5 ans, son père, pharmacien et mycologue avant lui, « tous les dimanches, de septembre aux premières gelées ».
Le plaisir de glaner
« L’aspect glanage est important dans le plaisir de ramasser des champignons, raconte Marc Forget. Les gens sont attirés par cette idée de glaner quelque chose de bon, à leur portée et gratuit. Et puis l’attrait de la forêt à l’automne, sa beauté, est une part du plaisir. » |
L’amanite phalloïde : attention danger
Pour que les choses ne virent pas au drame, il faut savoir reconnaître le fruit de sa cueillette. Un jour, à sa pharmacie, un couple débarque avec un panier… « rempli d’amanites phalloïdes ! » Soit le champignon français le plus toxique. « Le poison se manifeste au bout de six à douze heures avec des troubles gastro-intestinaux, détaille le spécialiste. Les choses se calment et la mort survient quelques jours plus tard. » Entre 2010 et 2017, 22 décès par intoxication aux champignons avaient été recensés, dont la moitié par cette amanite phalloïde
« C’est comme l’amour, il faut pratiquer »
Alors comment savoir si les champignons sont comestibles ? « On peut aller en pharmacie mais il n’y en a plus beaucoup qui sont experts, confie Marc Forget devant une montagne de livres sur les champignons. J’ai tendance à dire : les champignons, c’est comme l’amour, il faut pratiquer ! La mycologie fait appel à plusieurs sens : la vue, le toucher, l’odorat. C’est un ensemble. Des gens m’ont déjà appelé mais on ne peut pas avoir d’avis par téléphone ! Car la chose la plus importante, c’est de ne pas se tromper ! »
Antoine Caux
Comestibles
« En cas de doute, ne les mangez pas »
Trois questions à Philippe Silar, généticien et professeur à l’université Paris Diderot, responsable de l’équipe génétique et épigénétique des champignons.
Quels sont les champignons les plus répandus dans les Hauts-de-France ? Y a-t-il une différence d’un coin de la Somme à un autre du Nord ?
Il y a trop d’espèces pour les nommer toutes ! De plus, en fonction des années, ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont rencontrées en abondance. On a vu beaucoup d’amanites rougissantes. Les armillaires couleur de miel et les hypholomes en touffe sont aussi généralement très présents.
Que doit-on faire quand on cueille des champignons ?
Normalement, les pharmaciens sont formés à reconnaître les principaux champignons comestibles et ceux qui sont mortels. Cependant, de nombreux pharmaciens ne prendront pas de risques et vous conseilleront de ne pas manger votre récolte... Je vous recommande même de ne manger que les espèces que vous savez reconnaître ! En cas de doute, ne les mangez pas !
Y a-t-il une évolution avec le dérèglement climatique ? En trouve-t-on davantage ? Moins ? Des nouveaux ?
Oui, il a été démontré que la saison de production des fructifications est plus étendue qu’avant. On peut rencontrer maintenant certains champignons pendant l’hiver, voire au printemps alors qu’avant leur saison se restreignait à l’automne. Mais la quantité et la variété dépendent probablement plus du management des forêts, pas très efficient actuellement, que du changement climatique.