Pourquoi le carrousel de la tour Eiffel tourne-t-il à Amiens ?
Petite histoire d’une des stars du marché de Noël : le carrousel de la tour Eiffel, 95 ans au compteur.
13.12.2022
Au départ, Philippe Penon avait (et a toujours) dans ses cartons un projet de manège créé de toutes pièces sur le thème de Jules Verne, qu’il entendait faire tourner dans le monde. Le chef d’entreprise amiénois s’est laissé entre-temps séduire par celui de la tour Eiffel en découvrant par hasard sur le Net sa mise en vente. Bingo : de quoi nourrir sa passion pour les manèges et celle d’une de ses filles pour les chevaux. C’est ainsi que la place Léon-Gontier a vu débarquer pour le marché de Noël de 2011 cette antiquité ayant déjà vécu plusieurs vies.
D’origine espagnole
Le carrousel de la tour Eiffel n’avait rien de parisien à l’origine. « Il a été fabriqué en Espagne, en 1927, relate son actuel propriétaire. Il fut ramené en France quelques années après la Seconde Guerre mondiale, il a ensuite circulé. C’était un manège au thème western. » Preuve hispanisante : deux ânes avec l’inscription “platero”, référence à l’âne du poète Juan Ramón Jiménez. Preuves d’un passé western : quelques ornementations sur les chevaux de bois, telle une selle indienne accompagnée d’une flèche.
Parisien un quart de siècle
Ce thème était-il celui de sa construction ? Mystère. Idem quant à ses lieux de pérégrinations pendant les Trente Glorieuses. Seule certitude : il a depuis été « refait à la française, par exemple au niveau des moulures, du fronton, des cale-pieds ». Il s’est finalement mis à tourner au pied de la tour Eiffel en 1986 via son propriétaire d’alors, Roger Alliot. Avant d’être enlevé avec pertes et fracas en 2010 par la mairie de Paris, puis mis aux enchères, racheté par des antiquaires et, enfin, repris par Philippe Penon.
Parmi ses spécificités : un haut chapiteau, un diamètre de 9,20 mètres – plutôt petit, donc –, une gondole octogénaire « venue d’un autre carrousel » ou encore les crinières des chevaux colorées par rangées « afin que les enfants choisissent leur couleur préférée ». Un lion et un éléphant, très prisés, sont provisoirement remisés. Le manège évolue en permanence. |
Et tournent les chevaux
Que reste-t-il de sa vie antérieure ? « Une partie de sa structure et de sa cavalerie, 19 chevaux sur 36 », répond l’entrepreneur amiénois qui a depuis créé de nombreuses répliques, par moulage, en polyester, afin de protéger les survivants. Ces “galopants” – chevaux qui montent et descendent – vont et viennent entre le manège et leur atelier, où ils « font dodo », sourit leur palefrenier. Car le carrousel évolue constamment. Huit rennes (« avec chacun son nom, comme ceux du Père Noël ») et un traîneau, conçus par Philippe Penon et son équipe, ont ainsi fait leur entrée sur scène au marché de Noël 2019. Ils participent désormais à l’habillage hivernal du manège.
Constamment rénové
Autre nouveauté, depuis l’été dernier : un carrosse « récupéré à Hambourg, qui date des années 40 et provenait d’un carrousel suspendu, sans plancher ». Son bleu, évoquant le roi de Bavière, fait écho au bleu d’Amiens. Après avoir installé 2 000 leds et fait repeindre les tableaux des frontons « fidèlement mais avec quelques ajouts », notamment l’inscription “Penon et filles”, celui qui se définit comme un « créateur de sourires » prévoit d’autres modifications.
À cœur ouvert ?
Parmi ses envies : ouvrir la vue vers le moyeu central, les douze bras de bois, les quatre jambes de fer et toute la mécanique d’époque. Pour encore mieux mettre en valeur ce « manège qui fut pendant vingt-cinq ans au pied de la Dame de fer et sur lequel le monde entier est monté ! » sourit Philippe Penon. Désormais, c’est à Amiens qu’il faut venir pour s’y faire tourner la tête. Et cela, environ dix mois sur douze.
Jean-Christophe Fouquet