1 200 briques à partager
À partir du 15 juin, au 2, rue de la Dodane, l’artiste amiénois Pierre Ecrepont propose au public de repartir avec un des collages de son œuvre polyptique, mobile et éphémère.
06.06.2023
En 2020, il s’était déjà frotté aux murs de sa Ville en y apposant des paysages abstraits de petit format, style brique rouge ou marque-page, que les passants emportaient et recollaient ailleurs. « Les gens pouvaient facilement se les approprier et le projet Déplacez-moi avait rencontré son succès, se remémore l’artiste amiénois Pierre Ecrepont. Les retours sur Instagram étaient très positifs. Une personne avait même parcouru la vallée de la Somme à vélo et avait transporté un des morceaux jusque Abbeville. » À partir du 15 juin, à 10h, son projet artistique, mobile et éphémère proposé au 2, rue de la Dodane, part de la même idée. En partenariat avec le propriétaire, pour une durée de deux à trois semaines, jusqu’à 1 200 œuvres de petit format adapté à celui d’une brique de mur de maison amiénoise y seront apposées au fur et à mesure que les pièces seront décollées sans laisser de trace. « Elles auront là encore vocation à voyager, à rentrer chez les gens ou à être de nouveau partagées et collées ailleurs. »
Flashy
Pour ce projet participatif, le trentenaire, passé par des études d’architecture et d’horticulture et diplômé de la faculté des arts d’Amiens en 2022, espère de nouveau que les gens s’emparent la création. « Aujourd’hui, en art, il est question d’interaction avec le public, que celui-ci participe à l’œuvre, à un happening ou un événement du style d’Allan Kaprow (initiateur en 1959 d’happenings prônant une participation maximale du public, ndlr). Le devenir du projet leur appartient. Ils peuvent le déplacer ailleurs ou le ramener chez eux. » Adepte de couleurs vives, d’abstraction et particulièrement de paréidolie (sorte d’illusion d’optique par laquelle nous associons une forme connue, humaine ou animale par exemple à un élément neutre tels que les nuages, ndlr), Pierre Ecrepont considère que l’art abstrait et suggestif a sa place dans le milieu urbain « où il faut contraster. J’assume le coté flashy de ce que je propose. Il faut que cela se voie et que l’on s’interroge. » Respectueux de l’environnement mais aussi du patrimoine et de son cadre de vie, l’Amiénois utilise de la peinture sur toile de lin ou de coton mais aussi du tissu recyclé tel que la toile de jean, des matériaux biodégradables autant que possible et récupérés dans les friperies, les réderies… Même chose pour la peinture qu’il choisit sans pigments métalliques classés métaux lourds.
Démocratiser l’art
« Ce projet clôt mon cycle universitaire. Quand il prendra fin, il ne me restera rien, à part quelques photos. Ce sont les gens qui en ont la propriété. C’est aussi l’idée que je souhaite transmettre. Je pars chaque fois de zéro. » Peut-on considérer son travail comme du street art ? « On peut dire aussi que c’est de l’installation dans la rue. L’art urbain est un sujet vaste sur lequel je voulais être pertinent. Je me suis beaucoup documenté. Je me suis rapproché de la galerie Rêve lucide et ai côtoyé quelques artistes. Il y a tout un lexique et une culture dans laquelle je ne m’inscris pas totalement. Je voulais apporter autre chose. » D’autant que Pierre Ecrepont touche à d’autre mediums comme l’art numérique, la sculpture.... En 2018, En attendant, projet d’installation architecturale éphémère initié avec trois autres étudiants en art avait aussi été sélectionné pour le Festival international de jardins Hortillonnages Amiens. « Mais je préfère le travail tel que celui que je vais réaliser rue de la Dodane. Il a un coût moindre et les gens peuvent facilement se l’approprier. Je milite pour la démocratisation de l’art. » Un projet entre partage et générosité.
Ingrid Lemaire