Elles créent de belles occasions
À Henriville, Linda Avierino a ouvert un café brocante aux touches suédoises mi-juillet. En centre-ville, Fabienne Sens vient d’inaugurer sa friperie au kilo. À Amiens, comme ailleurs, le marché de la seconde main et de la vente écoresponsable a le vent en poupe.
12.09.2023
Rue Alexandre, au pied du parvis de l’église Saint-Martin à Henriville, un charmant commerce lancé le 19 juillet redonne de la vie à cette jolie place de quartier. Dans un ancien cabinet d’architectes, Linda Avierino qui a opéré un virage professionnel et personnel en posant ses valises à Amiens avec sa petite famille il y a deux ans, a créé My Broke Aunt (comprendre ma tante fauchée en anglais !) : un café brocante cosy inspiré de ses origines et de ses voyages. Cette Suédoise qui a occupé différents postes au sein de l’industrie du luxe, chez Vuitton, pendant vingt-et-un ans, en France et à l’étranger, a senti le besoin de changer de vie, comme beaucoup, au moment de la pandémie de Covid-19. Le climat anxiogène de la vie parisienne, « encore plus individualiste au sortir de la crise », ainsi qu’un voyage inspirant en Thaïlande lui ont donné l’envie d’autre chose. « D’un lieu alliant la bouffe et le bien-être », glisse-t-elle.
Saveurs suédoises au menu
Et c’est sur Amiens, « un très bon compromis » pas loin de Paris, de la Belgique et de la baie de Somme qui lui rappelle « la côte suédoise pas trop exploitée », qu’elle a jeté son dévolu et son envie de convivialité. D’ailleurs, dans son café, pas de partage Wifi. « Je ne veux pas que ce soit un lieu où les personnes ne se parlent pas. » Et l’on peut compter sur la gouaille de Linda – qui a fait une formation de barista – pour vous mettre à l’aise et entamer la discussion. Au four et au moulin, la dynamique entrepreneuse travaille seule : « Je nettoie, je prépare à manger, je sers, je gère le stock… C’est physique ». Ouvert du mardi au samedi, de 9h30 à 18h ou 19h, son café original propose toasts salés et plat chaud unique, des douceurs sucrées (on raffole de ses Kanelbullar – brioches à la cannelle !), des infusions maison – qui fleurent bon la Suède ou d’autres contrées selon l’humeur et l’inspiration de la cheffe qui s’approvisionne « le plus localement possible ».
Mobilier et déco hygge
Autre singularité ici : même les chaises et tables sont à vendre. Du mobilier et de la déco – « avant tout nordique ou scandinave » - que la maîtresse de maison chine uniquement sur les salles de vente en ligne, « quand le prix est raisonnable. Je ne rachète pas aux particuliers. Je propose aussi quelques articles neufs de marques suédoises » (bougies, plaids en coton ou laine recyclés). Le tout confère au lieu un climat “hygge” (en danois : sentiment de bien-être, atmosphère intime et chaleureuse). Ce goût pour la brocante, Linda l’a développé bien avant le Covid. « Tout chez moi est chiné, et ce depuis des années, sourit-elle. J’aime bien quand ça change. » Éviter la surconsommation de biens comme de denrées alimentaires de mauvaise qualité… Un espoir pour la commerçante qui espère éduquer sa clientèle au plaisir du bon café (comprendre : « pas celui vendu en supermarché »). « J’ai trouvé un super torréfacteur lillois, responsable et engagé », confie la barista qui a aussi suivi une formation en caféologie. « La Suède est l’un des pays où l’on boit le plus de café », nous apprend-elle. La sympathique patronne espère aussi faire vivre et évoluer ce lieu en proposant par exemple des apéros voisins une fois par mois ou en accueillant des ateliers. De belles valeurs à partager à l’occasion !
Lutter contre la surconsommation textile
Chez Icône Friperie, inaugurée le 1er septembre rue du Général-Leclerc, les valeurs se tissent autour du textile. Cette industrie, la deuxième plus polluante au monde, explose, boostée par la fast fashion… Un fléau. Mais une motivation pour l’Amiénoise Fabienne Sens, qui après vingt ans de travail dans le social et une pandémie (elle aussi…) a ouvert son magasin écoresponsable et proche de ses convictions. Ici la fripe se vend au kilo. « Une façon de faire prendre conscience aux gens de ce qu’ils achètent. Les vêtements peuvent être reconsommés longtemps, il faut arrêter d’acheter du neuf de médiocre qualité. »
Un secteur porteur
Fabienne a constitué son stock principalement sur les vide-greniers ou auprès de fournisseurs dans un rayon de 100 km maximum et avec l’aide de sa salariée. Sur les 100 m2 d’espace de vente du fleuriste parti à la retraite, elle propose du prêt-à-porter et des accessoires de mode homme/femme. « Je recherche avant tout des produits de qualité, de différents styles, explique la nouvelle commerçante. Les trois quarts sont vendus au poids, seules quelques pièces sont étiquetées. » Située a deux pas de la friperie Ding Fring du Secours populaire, à quelques rues de Fripes et Merveilles, de Diabolo Vintage ou de Skyclub vintage, l’ouverture de cette nouvelle friperie à Amiens prouve que « le secteur de la mode seconde main est porteur, pose Fabienne Sens. Notamment auprès des jeunes générations qui prennent peu à peu conscience qu’on peut tout réutiliser. Il y a aussi un argument économique. Et puis la fripe permet également de se singulariser avec des pièces uniques qu’on ne retrouve plus en magasin. » Pour le moment, les clients poussent la porte, curieux et contents. « Ils apprécient que chaque vêtement soit lavé, c’est une logistique mais j’y tiens. »
Expos et partenariats
Une fois par mois, les murs d’Icône Friperie accueilleront une exposition. La première est « assez engagée et fait sens avec l’esprit de ma boutique, appuie Fabienne. J’ai proposé à Mickaël Troivaux d’exposer les photos qu’il avait faites il y a quinze ans sur la récupération des dons textiles par le Relais. L’autre partie de l’expo est consacrée au travail de la Lilloise Julie Gaubert sur la matière ». Mais d’autres idées et partenariats germent... Des soirées étudiantes avec l’Ésad, un White Friday avec un défilé écoresponsable en novembre… Une façon de vivre et d’envisager le commerce autrement.
Coline Bergeon
My Broke Aunt
1, rue Alexandre
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Instagram : mybrokeaunt
Icône Friperie
21, Rue du Général-Leclerc
105 milliards d’euros C’est ce que représente le marché mondial de la seconde main en plein essor depuis 2020, dont 33 milliards pour la mode d’occasion. Source BPIFrance (2023) |