Joris Laquittant affronte La Bête
L’Amiénois Joris Laquittant présente son court-métrage La Bête le 13 avril au Ciné St-Leu. Une lettre d’amour au cinéma de genre qui ressuscite les frissons de l’enfance.
04.04.2023
Peur, résignation, évasion. Voilà quelques-unes des émotions transmises par les regards face caméra du jeune acteur Lysandre Robic, assis à l’arrière d’une camionnette, perdu dans un champ de maïs trop grand pour lui ou assistant au dépeçage du gibier. Prisonnier d’un rituel qui lui est étranger. Rituel d’où peut émerger La Bête...
La bête donnant son nom au premier court-métrage “produit” de Joris Laquittant (soutenu par la Région et l’association Pictanovo, mais aussi le Centre national du cinéma et de l’image animée et le bouquet de télévision OCS) n’est autre qu’un sanglier monstrueux paré d’une aura surnaturelle.
Cette création de pur cinéma de genre (fantastique et horrifique) convoque tout un imaginaire local : la ruralité picarde et la pratique de la chasse. Pour le réalisateur, c’est un renvoi à l’enfance, même si le film n’a rien d’autobiographique.
« Je n’ai pas vécu de traumatisme, sourit l’Amiénois originaire de l’Oise. J’ai connu un peu la chasse, mais c’est tout. D’ailleurs je ne voulais pas faire jouer des chasseurs de mon village – où j’ai eu énormément de facilités pour tourner – car il n’y a rien de vrai dans mon film. Je voulais raconter une histoire à hauteur d’enfant, quand on ne comprend pas le monde des adultes et qu’on se réfugie dans l’imagination. »
S’il s’agit d’une œuvre personnelle pour laquelle Joris Laquittant a de nouveau “joué” avec ses amis d’enfance, ceux de ses premiers films amateurs « tournés dans les mêmes champs, comme pour boucler la boucle », La Bête se veut donc un film de genre rural horrifique (folk horror), un rêve de cinéma.
Le réalisateur y reprend des facettes de ses deux courts-métrages antérieurs produits par son école, la Fémis (La Baie, Le Rayon bleu), qui ne l’avaient pas totalement satisfait. « C’est le rapport au territoire qui m’intéresse, ce que l’on retrouve chez M. Night Shyamalan, Steven Spielberg ou Jeff Nichols », pose-t-il.
Les prémices de La Bête remontent à 2017 (année où, chroniqueur en ligne du magazine Fais-pas genre !, Joris Laquittant louait d’ailleurs un film de Walerian Borowczyk titré... La Bête). L’œuvre s’est concrétisée en 2022, tant le montage financier d’un film prend « du temps et beaucoup d’énergie ».
Produit par Arnaud Bruttin, producteur de l’étudiant Laquittant à La Fémis qui œuvre désormais pour Artisans du Film, et doté d’un budget de 70 000 €, La Bête fut tourné l’été dernier dans l’Oise. Dans un confort « incomparable avec mes films d’école » et entouré d’une équipe « jeune mais très professionnelle, où chacun sait ce qu’il fait, où chacun a tout pigé », apprécie le réalisateur.
La Bête peut désormais commencer sa migration de salles en salles, en attendant les festivals. Le Ciné St-Leu le projette en avant-première le 13 avril. Joris Laquittant sera présent aux côtés d’Arnaud Bruttin (producteur), Plume Fabre (cheffe opératrice) et Geoffrey Perrier (son, musique).
En revanche, ne sera pas présent le cadavre de sanglier aperçu dans le film. Cet animal « acheté à un taxidermiste, empaillé en position couchée – ce qui nous a bien aidés – a été revendu à la Comédie-Française où il s’est fait dépecer tous les soirs par Denis Podalydès ! ».
Le projet de longue haleine que fut La Bête n’a pas encore laissé à Joris Laquittant, qui aime « faire une chose à la fois », le temps d’envisager une nouvelle réalisation de fiction, bien qu’il travaille à une série documentaire à base d’archives. En attendant, ce monteur de profession (De l’or pour les chiens) a signé le montage d’un long-métrage du collectif canadien RKSS : We are Zombies. Un autre type de bête…
Jean-Christophe Fouquet
La Bête, avant-première le 13 avril, 20h30, au Ciné St-Leu – Entrée gratuite