L’école Edmond-Rostand cultive le développement durable
Le 15 mai, les élèves de l’école élémentaire Edmond-Rostand, quartier Sud-Est, ont inauguré les premiers équipements de la cour oasis qu’ils dessinent avec leurs enseignantes depuis deux ans.
23.05.2023
Deux tables de pique-nique, un composteur, des kits pour construire nichoirs et hôtels à insectes. Voilà de quoi faire patienter les élèves de cycle 3 de l’école Edmond-Rostand qui rêvent depuis deux ans de transformer leur cour de récréation en oasis. Le 15 mai, les douze enfants de la classe Ulis (Unité localisée pour l’inclusion scolaire) de Céline Monnier, qui portent le projet et entraînent avec eux leurs camarades de CM1 et CM2, recevaient Geneviève et Marc-Daniel Seiffert de Mado Planète Bleue. Cette association rémoise – en hommage à Mado Seiffert, illustratrice décédée prématurément en 2008 - aide les projets d’école liés à l’environnement. Son don de 500 € a permis aux jeunes Amiénois de se lancer et d’acheter leur matériel de jardin.
Lutter contre le réchauffement climatique
Mais leurs espoirs sont plus vastes. En témoignent les maquettes que cette cinquantaine d’élèves ont réalisées l’an dernier pour concrétiser a minima leur désir de cour oasis. Et qu’ils ont exposées à la Maison de l’architecture et au centre culturel Jacques-Tati. Avec l’aide de l’architecte Benjamin Rivens, dans le cadre d’un Dips (ex-Contrat local d’éducation artistique) ils ont réfléchi, fait des recherches, étudié la possibilité de faire naître une oasis dans leur école… Ici pas de palmier, de dune ou de point d’eau pour abreuver des dromadaires. « L’idée est de débétonniser la cour de récréation, comme cela commence à se faire dans certaines écoles, pour la végétaliser, retrouver la terre, installer peut-être du sable ainsi qu’un revêtement perméable qui éviterait les inondations que nous subissons lorsqu’il pleut beaucoup, détaille la professeure des écoles. L’idée est née d’un constat. Ces dernières années, avec le réchauffement climatique, les périodes de chaleur sont devenues terribles pour les enfants en classe. Et dans la cour, on se réfugie comme on peut, là où il y a de l’ombre, sous les rares arbres ou le préau. »
Dégenrer la cour
Mais l’idée de Céline Monnier, épaulée par son accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) Caroline Grimaudo et ses collègues Estelle Lemaire et Isabelle Béramis, avec l’appui du directeur de l’école David Rebière, est aussi de repenser l’utilisation même de la cour par les enfants. « On veut la dégenrer, c’est-à-dire sortir du schéma classique où les garçons s’approprient le milieu pour jouer au foot, et les filles sont réduites à la périphérie. Beaucoup d’études ont été faites à ce sujet. » Construire une boîte à lire, imaginer des endroits où patauger et jardiner… Autant de choses qui redéfinissent les centres d’intérêt et ouvrent les horizons. « Cela joue beaucoup sur le climat scolaire, poursuit l’enseignante. On transmet des valeurs de respect, de partage, de vivre ensemble... Des enfants qui n’avaient pas l’habitude de jouer ensemble se découvrent de nouvelles affinités dès qu’on se met à jardiner. »
Apprendre différemment
Des enjeux environnementaux et sociétaux qui offrent également aux enfants le loisir « de sortir de leur classe et d’apprendre différemment ». Car à l’école Rostand, l’éducation au développement durable se décline sous différents projets, y compris dans les classes de cycle 1 et en maternelle, depuis 2016, sous l’impulsion de Céline Monnier, suivie par l’ensemble de l’équipe enseignante. « En tant que citoyenne, je suis très impliquée dans ce domaine et sensible à ce qu’il se passe sur la planète, explique-t-elle. Dans ce quartier prioritaire, les enfants ne vont pas spontanément vers la nature. Parfois ne connaissent même pas les parcs à proximité de chez eux. Pour eux, c’est une aventure de mettre les mains dans la terre, de savoir reconnaître une mouche d’une abeille… Comme des jardiniers, nous, enseignants, semons des graines et attendons que ça prenne : cette sensibilisation doit faire d’eux des citoyens respectueux de la nature. » Ainsi, les écoliers ont déjà leurs carrés potagers dans la cour. Leurs petites récoltes débouchent sur des ateliers cuisine ou un éveil à une alimentation saine. « Voir des légumes pousser, c’est concret. Et c’est un super levier pour moi. Tout dans la nature est prétexte à travailler. Au-delà, cela change aussi le regard sur le handicap. Les élèves de la classe Ulis sont mis en avant sur des projets porteurs qui les valorisent et montrent que tout le monde à sa place dans la société. »
Recherche de financeurs
Depuis 2016, donc, des partenaires solides accompagnent l’école Edmond-Rostand dans cette vertueuse aventure. Des temps forts sont menés notamment avec Anaïs Rouland du Jardin des plantes autour des carrés potagers ou de dégustations à l’aveugle. Ou encore avec Stéphanie Cousin de L’île aux Fagots pour des ateliers land art, cueillette-cuisine… Les Messagers du tri, la Cuisine centrale de la Ville d’Amiens, l'association De la graine à l’assiette apportent aussi régulièrement leurs expertises. « En septembre, le jour de la rentrée scolaire, la Première ministre Élisabeth Borne et la députée Barbara Pompili nous ont rendu visite et nous ont encouragés à poursuivre sur cette voie. » Ne reste aujourd’hui qu’à trouver des financements et des âmes compétentes pour que cette oasis ne soit pas juste un mirage.
Coline Bergeon