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Pour les 90 ans de Chés Cabotans, le Théâtre d’animation picard expose jusqu’au 12 juin des marionnettes issues des réserves du Musée de Picardie. Parmi les trésors : un Lafleur de 1810 et des personnages Disney d’après-guerre.

1 - Lafleur de Barbier, fin XIXe  © Laurent Rousselin

23.05.2023

Des cabotins de 90 ans

C’est en 1933 que Maurice Domon monte la troupe Chés Cabotans d’Amiens. Institutionnalisée au milieu des années 60 (d’où le rapprochement avec le Musée de Picardie), elle occupe depuis 1997 un théâtre en dur au cœur de Saint-Leu, dirigé par l’association Théâtre d’animation picard créée en 1977. La compagnie fête donc ses 90 ans cette année. Voilà pourquoi ses membres ont monté une exposition de raretés issues du patrimoine local conservées au Musée.

Hors de la réserve

L’équipe menée par Charlène Pruvot a eu « carte blanche dans notre réserve pour concevoir cette exposition, pose François Séguin, conservateur au Musée de Picardie. S’il y a bien des gens légitimes à manipuler ces marionnettes, ce sont eux ». Les marionnettistes s’en sont donné à cœur joie : « Cela fait rêver, sourit Tristan Roinel, actuel interprète de Lafleur. Tous ces accessoires, ces vêtements… Le Lafleur de Barbier (datant de la fin du XIXe siècle, ndlr), on sait que l’on est devant quelque chose d’unique. Pour nous, ce fut un grand moment ! ».

2 - Polichinelle par René Lamps © Laurent Rousselin

L’école Barbier

Pourquoi une telle importance ? « Les Barbier étaient une grande famille de marionnettistes qui œuvraient à Amiens, répond François Séguin. Le théâtre actuel est issu de la tradition qu’ils ont établie et qui fut ensuite transmise, par l’intermède des Rosati picards, aux générations suivantes. » Dont Maurice Domon et René Villeret, qui fondent en 1930 la Société des amis de Lafleur pour maintenir vivace la tradition dans un XXe siècle où la popularité des marionnettes se trouve menacée – par le cinéma, notamment.

 

Domon et Villeret

Trois ans plus tard, Maurice Domon quitte donc la Société pour Chés Cabotans. Pendant plus de trente ans les deux troupes vont poursuivre leur chemin séparément. « On pourrait dire que Maurice Domon était plus tourné vers l’est, et René Villeret plus tourné vers l’ouest », schématise le conservateur. C’est d’ailleurs pour Chés Cabotans que le futur maire d’Amiens René Lamps (communiste), ami de Maurice Domon avec lequel il avait été formé, a sculpté des marionnettes, dont un Polichinelle actuellement exposé. Hors sujet ? « Non, au début, les bouffonneries de Lafleur arrivaient en dernière partie, mais il y avait un Polichinelle qui introduisait le spectacle, comme un Monsieur Loyal », recadre Tristan Roinel.

3 - Doyen des Lafleur, vers 1810  © Laurent Rousselin

Doyen des Lafleur

Le Lafleur “Barbier” est l’une des deux antiquités de l’exposition. La seconde ? Un autre Lafleur, daté de 1810 environ mais qui est déjà « en habits du XVIIIe siècle, porte un tricorne, a un catogan… Autant de caractéristiques de Lafleur, tout comme son petit caractère », souligne François Séguin. En revanche, sa fine moustache fera long feu. Cette marionnette à tringle et à fils, issue de la famille Bellette (« premiers interprètes connus de Lafleur »), est la plus ancienne survivante représentant l’icône populaire de Saint-Leu, ce valet irrévérencieux qui a su traverser les décennies jusqu’à aujourd’hui.

 

Tradition orale

Mais toute cette époque s’avère peu documentée. « Cela relève essentiellement de la tradition orale, précise le conservateur. Voilà pourquoi cette marionnette est si importante. Même si, elle non plus, n’est pas clairement datée, elle représente un témoignage matériel de choses qui n’ont pas – ou peu – laissé de traces. » Autre inconnue : le nom des sculpteurs. On sait qu’aujourd’hui Michel Petit assure les nouveautés pour Chés Cabotans, mais la plupart des pièces actuellement exposées sont anonymes, sauf une série de Jean Magnan pour Les Amis de Lafleur représentant la fine équipe classique : Sandrine, Blaise et Cie.

4 - Disney chez Lafleur  © Laurent Rousselin

Disneyphilie

Sans malice, la troupe des Cabotans – qui gère son propre fonds au titre du Musée de Picardie et l’utilise dans ses spectacles – a ainsi exhumé des curiosités créées pour Les Amis de Lafleur, la compagnie “rivale”. On y retrouve l’atlantisme de René Villeret via un Mickey, un Donald et trois petits cochons stylisés comme ceux du cartoon Disney qui fit un carton dans les années 30. « C’était sûrement une façon d’attirer le public, en reprenant des figures populaires à l’époque », suppose François Séguin. Autre rareté : une marionnette à l’effigie de l’artiste multicarte Robert Lamoureux, très célèbre dans les années 50. Le Musée en a d’autres en stock, comme Mistinguett ou Joséphine Baker.

5 - Chés Cabotans des Amis de Lafleur  © Laurent Rousselin

3 000 pièces au Musée

Le Musée de Picardie conserve environ 3 000 pièces dédiées à cet art du spectacle. Des accessoires, livrets, toiles peintes, décors, et quelque 200 marionnettes. Autant dire que l’actuelle exposition, visible jusqu’au 12 juin, ne représente que la partie émergée de l’iceberg. Mais cette année 2023 marque la grande sortie des pantins : des marionnettes sont également attendues à l’exposition 20 000 lieues sous les mers (à partir du 3 juin au Musée de Picardie), mais aussi à la Maison de la culture et au Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (Ciap).

Jean-Christophe Fouquet

 

Cabotans Ed Réd'rie

Exposition jusqu’au 12 juin au Théâtre d’animation picard Chés Cabotans (31, rue Édouard-David) – Visite commentée gratuite du mardi au samedi, de 14h30 à 16h30

> ches-cabotans-damiens.com

Régis Rose - TAP Chés Cabotans d'Amiens

Régis Rose : au revoir Blaise

Le 27 novembre dernier décédait en Ardèche à 68 ans Régis Rose, frère de Françoise Rose, ancienne directrice du Théâtre d’animation picard. Cette dernière fut – avec son époux Jacques Auvet – la gardienne du temple Chés Cabotans de la fin des années 60, quand la troupe jouait dans la chapelle du Musée de Picardie et répétait à l’hôtel de Berny, aux années 2010. Formée par Maurice Domont, interprète de Sandrine, elle est décédée le 24 décembre 2018 (JDA #899). Une rue de Renancourt porte désormais son nom.

 

Dans les années 70 et au-delà, la troupe était familiale : « Il y avait Françoise, Régis, Guislain et moi, tous frères et sœurs, mais aussi Jacques ainsi que son fils et l’épouse de Régis, se remémore Marie-Astrid Lalo, la dernière des Rose à avoir remisé tringles et fils, en 2021. Nous travaillions par ailleurs – Régis était pompier –, et le fait de former une famille nous permettait de nous organiser plus facilement, d’autant plus qu’à l’époque, nous prenions souvent le camion et allions porter la langue picarde en France et à l’étranger ».

 

Régis Rose a ainsi incarné Blaise, l’ami peureux de Lafleur, pendant une quinzaine d’années. « Blaise, c’était lui, il avait la fibre, ils ne faisaient qu’un, s’émeut Marie-Astrid. Il se donnait à fond. Quand on manipule et interprète, on s’oublie, on fait passer la vie dans la marionnette. » Et les acteurs ne se limitent pas à un rôle : « Régis pouvait passer de Blaise à un “cadoreux” (policier, ndlr) en un instant, en changeant sa voix. Il fut un grand marionnettiste et un Blaise extraordinaire, comme Jacques Auvet ».

 

« C’était un personnage joyeux et espiègle, complète Béatrice Secret, l’une des deux sœurs Rose à ne pas avoir contracté le virus de la marionnette. Un bon vivant. Blaise lui allait bien. » L’urne de Régis Rose a été scellée sur la sépulture familiale, à La Madeleine, cimetière où repose également le couple Rose-Auvet. Un autre pétale de la tradition marionnettique picarde s’en est allé.

 

 

Aujourd’hui, Chés Cabotans sont…

• Charles-Henri Defever : Tchot Blaise et rôles masculins.

• Agnès Dequevaviller : rôles féminins et autres personnages.

• Sophie Lefort : Sandrine et autres personnages.

• Tristan Roinel : Lafleur et rôles masculins.