« Mieux vaut s’entraîner sur des gens en bonne santé que commettre des impairs sur des malades »
Le 8 avril, à SimUSanté, l’un des plus grands centres européens polyvalents de simulation en santé basé au CHU d’Amiens, c’était jour de répétition. Une vingtaine de patients simulés se sont préparés au rôle d’un malade qu’ils devaient jouer ensuite lors de la session d’examen de médecine.
23.04.2024
Ils se prénomment Pierre-Henri, Céline, Élisabeth, Gérard, Lucien, Laura… Ils sont retraités, étudiants ou salariés. En décembre dernier, ils ont été des dizaines à candidater pour devenir patient simulé. Après plus d’une centaine d’entretiens, près de 70 volontaires ont été retenus pour jouer les malades imaginaires lors des sessions d’examens universitaires de médecine. Le 8 avril, une petite cinquantaine d’entre eux a passé la journée à SimUSanté, l’un des plus grands centres européens polyvalents de simulation en santé basé au CHU d’Amiens, pour s’imprégner du scénario médical et du rôle qu’ils allaient devoir ensuite tenir, plusieurs fois huit minutes, le 18 avril, lors de la session d’examens universitaires de médecine passée par 50 étudiants de 4e année.En fonction de leurs profils, un groupe de femmes en capacité de procréer devait simuler d’intenses douleurs pelviennes, nausées et vomissements. Un autre groupe devait feindre une souffrance au genou gauche tandis qu’un dernier, victime d’un souffle cardiaque, sollicitait l’avis d’un cardiologue.
Soutenir la formation
« Les étudiants trouvent ça génial et aimeraient avoir plus de formations de ce genre,souligne Carole Amsallem, médecin urgentiste et chef de service du Centre d’enseignement des soins d’urgence au CHU Amiens-Picardie qui chapeaute l’exercice de simulation.Ces patients simulés sont des sujets d’examen vivants. Depuis 2021, on a mené 104 entretiens et retenu 83 volontaires actifs. Mais ces participants simulés ne sont pas forcément des patients. Ils peuvent aussi jouer le rôle d’une infirmière, d’un parent, d’un accompagnant ou d’un aidant. Lucien et Audrey, par exemple, sont là depuis que nous avons mis ça en place. Il vaut mieux s’entraîner sur des gens en bonne santé que commettre des impairs sur des malades. C’est aider l’avancée de la médecine et la formation des futurs praticiens. Nous recherchons aussi des soignants simulés pour augmenter notre pool afin que les étudiants puissent être confrontés au langage médical. »
Jouer la comédie
Être patient simulé n’est cependant pas qu’une affaire de bonne volonté. Les profils des candidats sont étudiés. Le premier entretien est important afin de permettre de jauger les thèmes avec lesquels ils seront à l’aise, en fonction du trajet de vie de chacun. « Certains vécus peuvent être trop douloureux. Ils veulent nous aider mais c’est trop tôt pour ceux qui ont été confrontés à des deuils ou des moments pénibles. Il faut que le patient simulé soit en sécurité affective. » Pour une partie de la vingtaine de patients volontaires formés le 8 avril, les habitudes sont déjà prises depuis maintenant deux ans. Pour les nouvelles recrues, c’était une exploration débutée par une mise en condition avec Magali Quillico, comédienne et formatrice en improvisation théâtrale à La Boîte d’impro. Exercices mémoriels et de réflexes, jeux de mimes, expression de la douleur : « S’ils sont drôles et ludiques, les exercices permettent de tester la capacité de concentration, indique la formatrice qui intervient déjà sur le DU simulation de l’UPJV. C’est fatigant de jouer la douleur, surtout lorsque sur l’échelle médicale elle est à 10. On fait de l’impro appliquée au service de la simulation et dans d’autres domaines que celui du spectacle. On peut en faire pour les passages à l’oral ou pour un entretien professionnel. Les retours sont positifs. On a créé une équipe, on cultive un esprit de groupe et de soutien mutuel. La cohésion et la connivence permettent de se soutenir le jour J et de tenir les scénarios comme ceux travaillés aujourd’hui. »
« Être ici est une forme de reconnaissance »
Le groupe s’est ensuite scindé en trois afin de rejoindre celui dans lequel il était appelé : le groupe de femmes avec douleurs pelviennes, celui avec des douleurs au genou et celui, victime d’un souffle cardiaque. Ils ont joué pour s’imprégner de leur rôle et se mettre dans la peau du “personnage”.Pour Alain, dont la femme a subi une greffe de moelle osseuse, l’univers hospitalier et de la médecine sont « une incroyable machine dont j’ai apprécié le professionnalisme. Être ici est une forme de reconnaissance ». Pour Valérie, le Covid y est pour beaucoup : « Nous avons besoin de médecins ». « La démarche est très intéressante car on travaille sur de l’humain », a souligné de son côté Lucien. François renchérit : « Cette pratique en format réel aide à la formation dont les jeunes ont besoin. » Quant à Élisabeth, si devenir patiente simulée était avant tout une affaire de curiosité, « cela permet aussi d’explorer d’autres méthodes d’apprentissage. »
Ingrid Lemaire
SimUSanté en chiffres :
22 222 personnes formées
12 976 en formation initiale
3 137 en formation continue
118 en formation mixte
3 313 personnes accueillies lors d’événements comme l’Hôpital des nounours, la Fête de la science, Octobre rose et la Journée des aidants