Ortiz-Villa : une vie passée sur terre
L’impressionnant travail du céramiste picard Jean-Claude Ortiz-Villa est à découvrir jusqu’au 20 mars à la Maison de l’architecture des Hauts-de-France.
13.02.2024
Le détour par la Maison de l’architecture des Hauts-de-France (15, rue Marc-Sangnier) offre une rétrospective inédite du travail de l’artiste picard Jean-Claude Ortiz-Villa. Sculptures élancées ou rondouillardes, séries de céramiques colorées, pièces monumentales blanches, d’autres liées à l’architecture et à la maison amiénoise grâce à l’utilisation de la brique : l’exposition Se construire en terre. Une vie céramique révèle une création foisonnante et sérielle. Quasi compulsive. « Deux périodes caractérisent son travail, indique Juliette Charlot, la directrice du lieu. Celle présentant des pièces portant sur des tests de texture et des jeux de formes intérieurs-extérieurs d’inspiration végétale et celle axée sur une réflexion autour de l’outil et la méthodologie du travail de céramiste et le thème de la montre Seger. »
Montres et bitoniaux
La montre Seger ? Il s’agit d’un petit cône pyrométrique que l’on met dans le four à côté de la pièce à cuire, qui s’incline progressivement lorsque la cuisson atteint sa température de fusion. La série des Montres fusibles permet d’ailleurs d’en percevoir le principe et le jeu de fusibilité. Une autre série décline des éléments techniques relatifs aux moulages et aux cuissons à travers les bitoniaux, ces petits morceaux de terre indispensables au processus du moulage. « En 2015, j’entame, à partir des bitoniaux, une recherche sur la fusion des matériaux, faïence, grès et porcelaine. Durant cette production, mon regard s’est porté sur les moindres détails, les moindres coulures et débordements, à chaud et à froid », décrit l’artiste.
Un père briquetier
À partir des années 2000, Jean-Claude Ortiz-Villa a particulièrement travaillé la technique du moulage, « développant une relation plus intime entre le sculpteur et le céramiste », comme le suggère la série Exaltation du moulage. Il est aussi question d’intimité à travers la succession de briques singularisées qui reprend l’ensemble du parcours créatif et exploratoire de l’artiste. En déclinant les bitoniaux et la fusibilité, « Jean-Claude Ortiz-Villa fait référence à son père qui était briquetier, souligne Juliette Charlot. À travers ces créations il dévoile une relation difficile, le poids du père, le père Minotaure, être enfermé et encore crucifié. Il y a quelque chose de l’ordre de l’émotionnel que l’on ne perçoit pas d’emblée. » Passionnant.
Ingrid Lemaire
Se construire en terre. Une vie céramique, de Jean-Claude Ortiz-Villa - Jusqu’au 20 mars, à la Maison de l’architecture des Hauts-de-France (15, rue Marc-Sangnier) - maisonarchitecture-hdf.fr
