Ouissam Hattab, boxeur-entrepreneur, prépare un doc sur sa vie
Le créateur de la marque Hattab 1949, qui tient une boutique d’impression sur tee-shirt en centre-ville, travaille actuellement sur une adaptation de sa biographie publiée en 2018.
21.03.2023
« Mais tu vois le pitch : un gamin, diagnostiqué dyslexique à 15 ans, qui perd son père le soir d’un combat de boxe, qui se reconstruit, qui fait trois mois en prison, qui sort à plus de 80 kg et qui finit par se poser, et être complètement carré dans son business ! Tu te dis : même à Hollywood, ils ne pensent pas à ça ! » À Hollywood, non. À Amiens, peut-être pour qui connait la vie déjà bien remplie d’Ouissam Hattab. Il en a même fait un livre. C’était en 2018, Sur le ring de ma vie. C’était le titre d’un article que lui avait consacré le JDA quelques années plus tôt. Au culot mais avec son sourire charmeur, le jeune Ouissam avait passé une tête à la rédaction : « Y’a moyen que je le reprenne pour mon bouquin ? ». Le garçon est bien élevé.
52 minutes
« En lisant le livre, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup d’éléments qui pouvaient entrer dans le cadre d’une fiction, raconte aujourd’hui son ami Féfé de Creek Studio, à la réalisation d’un 52 minutes qui va retracer la trajectoire improbable de Hattab. On s’est dit que ce qu’il a accompli, ça méritait d’être cinématographié. Et puis, de fil en aiguille, l’idée d’un doc avec des reconstitutions, des archives et des interviews a fait son chemin. » Un chemin qui se poursuit. Un premier teaser est prêt. Il tourne dans l’idée de séduire des mécènes et de convaincre les critiques. Féfé : « Ce projet est aussi plus globalement l’occasion de générer des rencontres, de faire que les gens et les milieux se croisent ». Et pourquoi pas une projection au Festival du film d’Amiens en novembre ?
« À la base, je suis un Rubik’s Cube. C’est ma femme qui a essayé de remettre les couleurs à la bonne place »
Ouissam Hattab a peut-être été en galère avec le français, mais il a le sens de la formule : « À la base, je suis un Rubik’s Cube, image-t-il pour définir son côté touche-à-tout, voire éparpillé. C’est ma femme qui a essayé de remettre les couleurs à la bonne place ! J’ai toujours eu de la tchatche. Elle, elle a fait la mise à jour… En fait, je suis un iPhone ! ». L’histoire de Hattab, c’est d’abord la boxe. Comme son père, boxeur avant lui. Le 17 avril 2005, Hoummad Hattab succombe à une crise cardiaque au moment où, à Guise, Ouissam, 17 ans, lève les bras de la victoire. Il range les gants dans la foulée. Sans boussole, se perd. Fait un détour par la prison, trois mois à Beauvais.
Force tranquille
La résurrection a deux noms. Amélie qui deviendra son épouse. Et Hattab 1949, la marque de vêtements qu’il crée en référence à l’année de naissance du paternel. Des sweats et des tee-shirts pour hommes, du streetwear un peu chic. Le logo ? Un gorille, imprimé sur du velours, clin d’œil à l’histoire d’Amiens. « Pour toute marque, il faut un symbole. J’ai vu à la télé un docu sur un gorille qui traverse la route… Bing ! Ça donnait l’image du chef de famille, force tranquille… Je suis un peu comme ça. » Il y ajoute trois points, bleu, blanc et rouge, références aux cordes de boxe et à la dimension tricolore qu’il veut donner à sa marque : « On essaye de migrer vers du made in France. Je veux vraiment donner une belle planète à mon fils ». Saël, 6 ans, a pour deuxième prénom… Hoummad.
Le retour sur les rings
Depuis 2015, Ouissam a pignon sur rue avec son concept Tee-time où l’on peut venir imprimer les motifs de son choix. D’abord rue Flatters. « Je touchais le RSA : 360 €. C’était pile mon loyer. » Ses beaux-parents l’aident. Il n’oubliera jamais. Désormais Tee-Time est installé au 6, rue Gresset, « avec un max de visibilité et grâce à la Ville d’Amiens », remercie-t-il. La dyslexie ne partira jamais. « Après, c’est comme pour les sportifs de haut niveau, il faut s’entraîner tous les jours, il faut que je lise au maximum. Si je ne m’exerce pas, je galère. » La boxe, elle, est revenue dans la vie d’Ouissam, auréolé depuis peu d’un titre en critérium national. « C’est comme si, en foot, je jouais en CFA 2. » Pas de quoi frimer. Mais de quoi être fier. « Je suis remonté sur les rings juste après le Covid. Ma femme m’avait dit ok, si ça ne met pas en péril ton business ! » C’est pas Hollywood, mais ça y ressemble.
Antoine Caux