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« Pendant le chant, c’est le seul moment où ma sœur fait des phrases »

La chorale Falalazic redonne voix aux personnes souffrant d’une perte de la capacité à s’exprimer et à leurs aidants chaque mardi à la Maison pour tous de Rivery.

Falalazic en répétition © Ingrid Lemaire
Falalazic en répétition

28.05.2024

Stéphanie, Michèle, Jean-Pierre, Christophe, Sabrina, Éric… Le 26 mai, parmi la vingtaine de chanteurs que rassemble la chorale amiénoise Falalazic, une dizaine d’entre eux ont occupé la scène de la Maison de la culture dans le cadre de Leitura Furiosa, festival de lutte contre l’illettrisme. Pour ces personnes cérébro-lésées, aphasiques et leurs aidants, l’expérience de la scène et du chant sont un véritable dépassement de soi. Projet de création artistique et culturel croisant théâtre et chant initié par l’association Bulles de théâtre en juin 2021, la chorale Falalazic permet de sortir de l’isolement ceux qui, victimes d’un AVC ou d’un traumatisme crânien, souffrent d’une perte de mobilité et d’autonomie. Quand communiquer devient compliqué, le chant théâtralisé offre une bouffée d’oxygène mais surtout un moyen d’expression. « À Amiens, ce genre de projet n’existait pas, indique Pascal Roumazeilles, metteur en scène, conteur et créateur de Bulles de théâtre. Ce qui était intéressant, c’était de leur proposer des jeux de gestuelle et de mise en confiance. Les aidants y sont intégrés parce que c’est aussi compliqué pour eux. On travaille d’ailleurs avec le Groupe d’entraide mutuelle d’Amiens. »

Pascal Roumazeilles © Ingrid Lemaire
Pascal Roumazeilles
Falalazic en répétition © Ingrid Lemaire
Falalazic en répétition
Falalazic en répétition © Ingrid Lemaire
Falalazic en répétition

« Une place à hauteur de ses capacités »

Le 21 mai, comme chaque mardi à la Maison pour tous de Rivery, c’était jour de répétition sous la houlette de Pascal Roumazeilles, de Christophe Diawara, chef de chœur et coordinateur du département formation musicale au Conservatoire d’Amiens Métropole ainsi que de Pascale Boshi, orthophoniste. Pendant que Jean-Pierre dit JP, hémiplégique, battait la mesure à la caisse claire, les chanteurs ont tenu la barre et hissé la grand-voile afin d’interpréter Allons à Messine, chanson paillarde et de marins, et Sous la douche, une création de cette chorale singulière. Depuis qu’Isabelle y accompagne Stéphanie, les progrès sont considérables : « Stéphanie est passée d’une forme d’apathie à davantage de participation et d’échanges avec les gens. La chorale est un moment particulier et immanquable dans sa semaine. » « Dans ce groupe, chacun trouve sa place et fait à la hauteur de ses capacités comme JP qui joue de la batterie parce qu’il ne peut s’exprimer », remarque Michèle, choriste de Falalazic et présidente de Bulles de théâtre.

« Le chant favorise la résurgence du langage »

Pour les éducateurs spécialisés et les professionnels du langage, Falalazic « permet de maintenir le lien social via le chant, souligne Pascale Boshi. Ce dernier favorise la résurgence du langage dans un moment de plaisir et de convivialité. Il favorise également la mobilité, permet aussi de soutenir le respect de consignes et des fonctions exécutives telles que l’attention, la concentration, l’écoute, la flexibilité mentale... Après leur rééducation qui peut durer jusqu’à deux ans, des personnes aphasiques se retrouvent seules et isolées. Quand il n’y a plus d’échanges, les difficultés de langage se majorent encore. » Le témoignage d’une aidante abonde en ce sens : « Pendant le chant, c’est le seul moment où ma sœur fait des phrases. Le jour de chorale, il n’y a pas de problème pour se lever et venir. Et pour chanter, elle se redresse toute seule. »

Diawara 2 © Ingrid Lemaire
Christophe Diawara
Falalazic en répétition © Ingrid Lemaire
Falalazic en répétition
Falalazic groupe © Ingrid Lemaire
Le groupe Falalazic

Spontanéité sans a priori

Pour Christophe Diawara, ce n’est ni la même approche, ni la même manière de travailler qu’au Conservatoire. Mais l’expérience offre autant de satisfaction. Ces deux activités sont même complémentaires « Il y a ici une excellente dynamique. Nous avons réalisé de nombreux exercices de créativité vocale. C’est un public avec qui nous pouvons aborder énormément de choses en toute spontanéité, sans a priori et quasi sans limite. Nous avons du mal à le faire avec des élèves en musique contemporaine au Conservatoire par exemple. J’ai poussé les chanteurs de Falalazic assez loin dans le théâtre, le travail de Pascal Roumazeilles et encore l’échauffement corporel en lien avec la voix et des notions médicales que je n’ai pas du tout. Avec ces chanteurs qui ont une perception différente de la musique, c’est pour moi un excellent renouvellement. »

Ingrid Lemaire

Bulles de théâtre : bulles-de-theatre.com