Notice
Joan MIRÓ, "Femme"
Joan Miró (Barcelone, 1893 - Palma de Majorque, 1983)
Femme
1968
Terre cuite chamottée
H. 105 cm ; l. 40 cm ; ép. 35 cm
Inv. M.P.999.5.1
Acquisition réalisée avec le soutien du Fonds régional d’acquisition des musées (État/Conseil régional de Picardie) et celui du Fonds national du patrimoine, 1999
Lorsqu’il crée Femme en 1968, Joan Miró s’est déjà illustré dans de nombreux domaines artistiques : peinture, sculpture et estampe. Après une première période consacrée à la peinture, notamment dans la mouvance du surréalisme, il s’essaie à la céramique à partir de 1942. Il utilise volontiers de la terre chamottée, c’est-à-dire une terre mélangée avant cuisson avec de l’argile très cuit afin de diminuer l’effet de rétraction au séchage et de conférer à la pièce une meilleure tenue au feu. Il use ainsi de ce procédé pour des oeuvres de petit format – assiettes ou coupes par exemple –, toujours recouvertes d’une glaçure.
Réalisée en collaboration avec les ateliers catalans Artigas père et fils, avec lesquels il travaille à la conception de céramiques depuis la fin des années 1940, Femme est une oeuvre singulière, emblématique du souhait de l’artiste de réaliser, en argile, une création sculpturale à part entière, éloignée de ses productions précédentes, dites de vaisselle. Miró exploite ici pleinement la sensualité brute du matériau originel, tandis que les formes généreuses nées du tour du potier sont accentuées par le geste de l’artiste : il creuse des cercles dans l’argile afin de matérialiser les seins de la femme, attributs d’une déesse fertile. Fidèle à sa stylistique personnelle, riche en symboles, le sculpteur utilise à nouveau le motif de la forme en amande, incisée en creux de la céramique, évocation du sexe féminin. Cette pièce unique, témoignant d’une grande maîtrise technique, renvoie également aux amphores antiques, aux idoles primitives et aux représentations sexuées des statuettes préhistoriques. D’un format inédit et spectaculaire, cette sculpture à taille humaine se veut symbole de la dualité de l’être. Si ses formes généreuses évoquent les Vénus du paléolithique, Femme nécessite d’être contournée par le visiteur qui, bénéficiant de plusieurs points de vue, embrasse ainsi la totalité de l’oeuvre et perçoit alors sa dimension également phallique.
C.R.
© Jean-Louis Losi-Musée de Picardie © Succession Miró, ADAGP, Paris 2020