Il y a 50 ans, une grogne universitaire, sociale et politique ébranla la société française lors des événements de « Mai 68 ». Afin de revenir sur ce mouvement de contestation majeur du XXe siècle, les Archives municipales et communautaires d’Amiens vous présentent ce « trésor d’archives ».
01.05.2018
Déjà dès 1967, des tensions émergent dans le monde étudiant au sujet des cursus universitaires et des menaces de sélection à la fin des cycles. A cela, s’ajoute un contexte de rejet de la société de l’époque et d’opposition à la guerre du Vietnam.
Le 20 mars 1968, une manifestation de contestation de la guerre du Vietnam est organisée par des étudiants à Paris. Des établissements américains de la capitale sont la cible de dégradations, ce qui a pour conséquence l’arrestation de plusieurs étudiants. Afin de protester contre ces interpellations, le 22 mars, des étudiants de la faculté de Nanterre décident d’occuper les locaux administratifs de l’université. Le « 22 mars de Nanterre » était le déclencheur de Mai 68. Les jours suivants, l’établissement reste bloqué par les étudiants, ce qui conduit à la fermeture de la faculté le 2 mai. Le lendemain, la cour de la Sorbonne à Paris est occupée par les manifestants de Nanterre. Le 3 mai 1968 au soir, les premiers affrontements entre étudiants et forces de l’ordre débutent à Paris. Les premiers blessés se font alors connaître, ainsi que la répression.
Blocages d’autres universités françaises, manifestations, émeutes, barricades, destructions et le ralliement d’ouvriers et d’employés suivirent ces événements. En effet, le 13 mai, une grève générale a lieu à Paris. Des milliers de travailleurs s’associent aux étudiants et lycéens qui manifestent. Les ouvriers dénoncent leurs bas salaires, le manque de formation, la faible ascension sociale, un dialogue social absent, etc. Prenant des allures de révolution, ce mouvement universitaire se transforme en crise sociale et politique.
Amiens n’est pas épargnée par ce mouvement mais reste mesurée (Sources : Amiens, Années 1960. Naissance d’une capitale régionale, par Alain Trogneux, éditions encrage) :
- 6 mai : une cinquantaine d’étudiants se rassemblent devant l’Hôtel de Ville en solidarité avec les étudiants parisiens, afin d’y dénoncer les violences policières.
- 7 mai : manifestation organisée devant le collège universitaire, place Dewailly, à l’appel du syndicat étudiant AGEA-UNEF. Première manifestation d’ampleur, 600 étudiants défilent dans les rues du centre-ville.
- 9 mai : appel à la grève générale du syndicat étudiant AGEA-UNEF. Organisation d’un meeting qui rassemble 500 étudiants. Les revendications portent sur la réouverture des universités fermées et l’amnistie des étudiants arrêtés lors des manifestations parisiennes.
- 13 mai : grève générale après l’appel des organisations syndicales. 3 à 4000 personnes (chiffres fournis par le Courrier Picard) sont dans les rues d’Amiens. Cheminots de la SNCF, personnel des PTT, enseignants de l’Education nationale, salariés d’entreprises privées telles que Goodyear, Férodo ou CEMA rejoignent le mouvement de contestation.
- 15 mai : les étudiants de sciences, lettres et droit, décident de transformer les collèges universitaires d’Amiens en facultés avec leurs professeurs. L’autonomie administrative, financière et pédagogique est adoptée.
- 16 au 22 mai : des débats sont organisés et des réflexions sont menées sur le système éducatif français, par les étudiants qui ont mis en place des commissions.
- 17 mai : les étudiants amiénois occupent les locaux universitaires.
- 18 mai : les cheminots d’Amiens-Longueau occupent les aiguillages. Le service de bus amiénois est arrêté. Des débrayages sont observés à la zone industrielle d’Amiens-Nord : Dunlop, Goodyear, Férodo…
- 19 mai : la Maison de la Culture (MCA), inaugurée en 1966, devient un lieu de contestation étudiante. Souhait de faire de la MCA, un lieu d’échanges. Des groupes de parole se constituent et des débats sont organisés afin de réfléchir à la politique universitaire et à la société.
- 20 mai : grève générale dans le département de la Somme.
- 21 mai : les débrayages se généralisent chez les entreprises de la zone industrielle d’Amiens-Nord : Cosserat, Dobelle... La Poste et l’Education nationale prennent aussi part aux arrêts de travail.
- 24 mai : fermeture de la MCA par décision du personnel et du directeur. Grève des agriculteurs au Cirque municipal Jules Verne.
- 25 mai : manifestation importante organisée par les syndicats (10000 personnes selon les organisateurs, 5000 selon la Police) de la gare du Nord à la Hotoie.
- 27 mai : conclusion des Accords de Grenelle à Paris. Ils prévoient l’augmentation de 35% du SMIG, les autres salaires de 10% et le libre exercice du droit syndical.
- Nuit du 27 au 28 mai : une cinquantaine de contestataires tentent d’occuper la MCA afin de permettre sa réouverture.
- 29 mai : manifestation organisée par les syndicats, de la Bourse du Travail à la place Alphonse Fiquet, avec pour revendications la démission du Président de la République de Gaulle et la constitution d’un gouvernement populaire. 10000 personnes y prennent part, 5000 selon la police.
- 31 mai : manifestation devant le monument Leclerc, organisée par un comité d’action civique, en soutien au Président de la République de Gaulle. 15000 picards sont venus défiler en centre-ville d’Amiens.
- 3 au 7 juin : la contestation s’essouffle. Reprise du travail chez Cosserat, Carbonne-Lorraine, CMR, EDF-GDF, SNCF, Education nationale…
- 12 juin : manifestation (interdite) contre la répression organisée devant l’Hôtel de Ville qui rassemble peu de monde (50 personnes).
- 24 juin : fin du blocage chez l’entreprise Férodo, dans la zone industrielle d’Amiens-Nord.
Notre trésor d’archives est un assemblement de deux photographies. La première photographie, à gauche, représente un rassemblement de salariés de l’usine Férodo, dans la zone industrielle d'Amiens-Poulainville, faisant grève en mai 1968. Quant à la seconde, elle illustre également les contestations de mai 1968. Il s’agit d’une photographie de mai 1968, lors d’une manifestation en centre-ville d’Amiens, avec le cortège qui avance rue des Trois-Cailloux.
Le document :
Cote archives : 10Z3032 et 10Z3034
Technique : photographies noir & blanc et couleurs
Conditions de conservation : photographies numériques conservées sur serveur informatique (don Cabuzel).
Description : photographies noir & blanc et couleurs de salariés grévistes à l’usine Férodo et d’une manifestation en centre-ville d’Amiens, en mai 1968.