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« Écrire sur la mère, c’est écrire sur l’amer »

Lisa Balavoine livre une nouvelle autofiction. Originale par sa forme mais universelle : la mère disparue et ce sentiment d’être passé à côté des gens tant aimés.

« Écrire sur la mère, c’est écrire sur l’amer » 1 © Francesca Mantovani / Gallimard

01.06.2022

JDA 1015

Ce matin-là, il y avait Annie Ernaux sur France Inter. Comme un signe à quelques heures de retrouver l’une de celles qui l’a souvent citée en référence : Lisa Balavoine. La nuit avait été réduite pour avaler le troisième roman de l’Amiénoise publié, comme Ernaux, chez Gallimard. Ceux qui s’aiment se laissent partir, c’est une plongée dans les années 1980, les Dunhill, Eurythmics et les canapés en velours, décorum de la première vie de couple qu’a eue l’auteure. C’était avec sa mère, divorcée. Un amour fusionnel entre une femme libre et une enfant sage. Une interdépendance où l’adulte demeure une petite fille quand l’autre devient une ado responsable. « Elle était perdue, dépressive et j’étais devenue son interlocuteur de dérive, analyse Lisa Balavoine. On aime ses parents, mais quand ils n’arrivent pas à se sauver, il faut se sauver. » Et tant pis si on ne les comprend jamais entièrement. Si le téléphone sonne un jour de juillet 2017 annonçant le décès de cette mère tant aimée et qu’on a cette impression d’être passé à côté.

Séquencé

Elle aura mis quatre ans à accoucher de ce récit. À trouver cette forme idoine, resserrée, séquencée. Il y a d’abord les flashbacks de la petite Lisa s’adressant à sa mère avec ces anaphores si balavoinesques. « J’écrivais à la troisième personne avec des personnages mais mon éditrice m’a dit : “Ce n’est pas toi”. Alors je me suis réappropriée le “je”. Et là, il y a pu avoir le “tu”. » On retrouve ensuite une narratrice devenue maman, moins présente auprès de la sienne (devenue “elle”), avant une dernière partie relevant du journal de deuil. « Tout s’est débloqué l’été dernier. Ça prend du temps, comme le deuil. »

 

Trois livres, un thème

Il y avait eu le mode poétique pour Un garçon c’est presque rien (2020)les paragraphes fragmentés pour Éparse (2018) – « sorti en même temps que j’enchaînais les rendez-vous administratifs effaçant les dernières traces de ma mère ». Lisa Balavoine innove dans la composition pour parler d’un même thème : la perte. « Ce qui m’intéresse, c’est de trouver la façon de dire ces choses que tout le monde traverse. » Elle a cette formule : « Écrire sur la mère, c’est écrire sur l’amer. Sur ce goût qui reste. La figer sur le papier me permet de garder une trace de celle dont je n’ai même pas pu revoir le corps ». Annie Ernaux ne la contredirait pas, elle qui débute ainsi son Jeune Homme « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées à leur terme, elles ont été seulement vécues ».

Antoine Caux

 

Ceux qui s’aiment se laissent partir (éd. Gallimard)

La couverture est signée Théo Gosselin, photographe amiénois (lire ici l’article du JDA #789et ami
 de Lisa Balavoine.

« Écrire sur la mère, c’est écrire sur l’amer » 2 © Éditions Gallimard