FESTIVAL, GO !
Les Rendez-vous de la BD d’Amiens reviennent sous la tutelle de Goldorak, le robot japonais. Premiers temps forts les 4 et 5 juin, à la halle Freyssinet et au-delà.
01.06.2022
JDA 1015
Goldorak tend la main à des icônes en papier de tous les horizons. Sur l’affiche signée Denis Bajram des 26es Rendez-vous de la BD, le robot de Go Nagai, l’un des premiers héros de “japanime” à débarquer dans l’Hexagone (en 1978), projette son ombre monumentale sur la cathédrale Notre-Dame – cinquante ans après les diffusions pionnières des adaptations de Tezuka à la télé française. Une preuve de la légitimation du manga (BD japonaise) qui, depuis la fin des années 90, a pris ses aises dans les rayons des librairies, ravi les cœurs et suscité des vocations. Outre l’occidentalisation de Goldorak par Denis Bajram et ses comparses pour une BD fraîchement sortie qui s’expose à la Maison de la culture, les Rendez-vous accueillent la série Sakamoto Days – un autre carton, bien japonais cette fois.
Un mois de rencontres
Mais l’édition 2022 ne se limite pas au manga : les scènes franco-belge et américaine tiennent toujours fermement la barre avec des expositions consacrées à Jean-Christophe Chauzy (Le Reste du monde), Rob Guillory (Chew) ou José Luis Munuera, continuateur de classiques comme Spirou ou Les Tuniques bleues. À noter parmi les invités des 4 et 5 juin : Lewis Trondheim, le stakhanoviste papa (avec Joann Sfar) de la série Donjon, venu pour Chihuaha et l’exposition BD Kids. « Il a participé à nos débuts dans l’édition en 2005 avec l’album collectif Coïncidence, mais il n’avait jamais pu venir », indique Pascal Mériaux, directeur du Pôle BD Hauts-de-France. Voilà chose faite – et une rencontre parmi bien d’autres en ce mois de juin sous le signe du neuvième art.
Jean-Christophe Fouquet
Programme complet
© José Luis Munuera
Festival gratuit
Juin 2021. Soulagement : le festival peut se tenir, mais sous jauge sanitaire. L’édition, pas comme les autres, est gratuite. « On s’est rendu compte que 40 % des gens sont venus pour la première fois, remarque Pascal Mériaux. Il fallait lever cette barrière. De toute façon, la billetterie ne nous faisait pas vivre. Autant que les gens gardent leur argent et repartent avec une BD sous le bras ! »
Dédicaces rémunérées
C’est l’une des « victoires » des Rendez-vous de la BD d’Amiens, comme le dit son directeur Pascal Mériaux : l’année dernière, les artistes venus y signer des dédicaces ont été rémunérés, et la démarche s’officialise. « Les auteurs, sur un salon, perdent du temps de production, de vie en famille. Dire qu’ils s’y retrouvent par la vente de leurs BD ne tient pas quand on connaît l’économie du livre. Qu’ils soient rémunérés était une revendication de longue date. » Après le lobbying des milieux lyonnais et amiénois, notamment, un accord a été acté au printemps avec le ministère de la Culture, la Sofia et le Centre national du livre pour les festivals soutenus. « Et si ça fonctionne, cela pourrait être étendu à d’autres manifestations. »
Les 26es Rendez-vous, c’est...
- Un mois de BD à la halle Freyssinet.
- Deux week-ends “temps forts” les 4 et 5 juin puis les 25 et 26 juin, de 10h à 18h à la halle Freyssinet – les deux autres week-ends de juin sont en mode “musée”.
- Plus de 100 auteurs en expositions, en débats, en visites guidées, en dédicaces.
- Des éditeurs en tous genres, tels les accents mis sur les éditions Exemplaire et sur le label Bayard Kids.
- Des thèmes vus par la BD, comme la recherche scientifique ou la mémoire de Cosserat.
- Des animations pour les petits, des ateliers, des rencontres professionnelles.
- Une centaine de bénévoles autour de l’association On a marché sur la bulle, Pôle BD Hauts-de-France.
- Onze expos dans les bibliothèques d’Amiens Métropole jusqu’au 25 juin.
Amitié symphonique
On se souvient d’À l’unisson, la BD de Delphine Cuveele et Dawid sortie aux éditions de la Gouttière accompagnée d’un spectacle mettant en musique ses planches animées sur la Symphonie n° 40 de Mozart interprétée par l’Orchestre de Picardie (lire ici l’article du JDA #980). La Gouttière et l’Orchestre ont remis le couvert avec Les Vies dansent, de Dominique Zay, Damien Cuvillier et Anne-Claire Giraudet. Musique, danse, rêverie, amitié... Sans paroles, les vies de deux gamines, mises en parallèle, convergent sur la Symphonie n° 7e de Beethoven. À découvrir en BD le 3 juin et en concert le lendemain, à 18h30, à la Maison de la culture.
L’élan solidaire se poursuit
À l’hiver 2019-2020, l’auteur Marc Lizano et l’Amiénois Guy de la Motte Saint-Pierre avaient récolté des originaux de dessinateurs pour une vente caritative à Bulle en stock en faveur des réfugiés. L’aventure humaine se poursuit en 2022 avec déjà une cinquantaine d’œuvres récupérées pour l’expo-vente solidaire des 26es Rendez-vous.
Anthony Rico, mangaka amiénois
Dessiner du manga à la française. C’est le plan d’Anthony Rico, étudiant en arts qui expose aux Dés Raisonnables jusqu’au 15 septembre.
© Laurent Rousselin / Amiens Métropole
L’exposition s’appelle Manga Jungle ! et montre le travail d’un auteur de 25 ans, arrivé à Amiens avant la pandémie, Anthony Rico. Biberonné aux VHS de Dragon Ball, il a eu le déclic dessin vers 10 ans : « La console ne marchait pas chez ma grand-mère, alors je me suis occupé autrement ». Une douzaine d’années plus tard, ce Niçois débarque à Amiens pour la licence III BD de l’UFR des arts. Sans lâcher son autre passion, les sports de combat – logique quand on connaît la prédominance de la baston dans les shonens, les mangas pour ados.
Amiens, ville de BD
Poussé par l’UPJV, notamment le responsable de la licence BD Justin Wadlow, Anthony Rico donne aux Dés Raisonnables un aperçu de ses deux dernières années, visibles sur des sites comme mangadraft : Francis Sauvage, Le Mangeur d’hommes et le Sale Monstre, La Came-cruse et le Cordonnier... Des histoires humoristiques ou horrifiques qui se lisent de droite à gauche (« Les jeunes ont du mal avec le manga en sens de lecture occidental ») et témoignent des expérimentations de ce néo-Amiénois heureux de vivre dans une ville de BD. Une ville découverte après avoir rencontré Greg Blondin (lire ici l’article du JDA #1013) : « Avant, j’étais seul dans mon coin. Là, je prépare un mémoire sur les problématiques environnementales et le manga ! ».
Un art en devenir
Anthony Rico a déjà participé à des travaux collectifs, remporté divers concours et sélections, fait de la médiation avec On a marché sur la bulle ou encore œuvré pour le studio 2HB sur Mes identités, ma France (lire ici l’article du JDA #985) : « Je suis un papillon, j’aime multiplier les projets ». Outre la rédaction de son mémoire, il monte avec un auteur reconnu une courte série pour un mastodonte de l’édition peu habitué au manga – projet pour lequel il est aussi confiant que discret et qui pourrait s’officialiser avant la fin de l’année. Pas de doute, pour Anthony Rico, « le manga français va évoluer ». Et il compte bien être de la partie.
Manga Jungle !
Café Dés Raisonnables (23, rue de Metz)
Vers un master II en BD ?
L’ancien diplôme universitaire (DU) de BD est devenu une licence III. Et les élèves mettent la main à l’encre : outre leurs travaux présentés à la halle Freyssinet (La Hutte dessinée), ils ont participé aux expositions sur Cosserat et sur la science et la BD – accompagnée d’un colloque universitaire le 2 juin et d’une journée professionnelle le lendemain à l’occasion de la résidence de Jean-Yves Duhoo (photo) à l’UPJV. La filière creuse son sillon : un master II est dans les tuyaux pour la rentrée 2023, ce qui ferait grimper à 75 le nombre d’étudiants du neuvième art à Amiens.
© Jean-Yves Duhoo