Les grands coup de Minuit (avant la nuit)
Juliette Armanet, Feu! Chatterton, Bagarre, Selah Sue... Le festival Minuit avant la nuit frappe fort pour son retour au parc Saint-Pierre les 11 et 12 juin.
08.06.2022
JDA 1016
C’est le dernier-né des rassemblements du mois de juin, de ces événements culturels et festifs qui marquent l’entrée dans l’été amiénois. Il y a les Rendez-vous de la BD (lire ici l’article du JDA #1015), la Fête dans la ville ; et puis, depuis 2018, Minuit avant la nuit. Cette déclinaison festivalière, et sous les étoiles, de la mythique salle de musiques actuelles La Lune des pirates a si naturellement trouvé sa place dans le calendrier que son absence pour cause de pandémie en 2020 (le chanteur Christophe aurait été à l’affiche) et 2021 a généré déception et inquiétude. Le signe d’un rancard qui, après deux éditions seulement, est désormais attendu.
Complet les 10 et 11 juin
En 2017, l’anniversaire des 30 ans des pirates de La Lune délocalisé de leur antre du quai Bélu au grand air du parc Saint-Pierre, les pieds dans l’herbe, presque dans la Somme, et à deux pas du centre-ville, avait ouvert la brèche et l’appétit pour ces moments mêlant la tendance musicale et l’appel de la verdure. La rapidité avec laquelle les 500 billets se sont arrachés pour profiter de l’électro du duo belge Charlotte Adigéry & Bolis Pupul (pour l’une de leurs trois seules dates en France) ou du local Okala lors d’un vendredi soir atypique dans le cadre de l’île aux Fagots – une ancienne piscine en plein air au cœur des hortillonnages –, ou comment les concerts acoustiques sur des parcelles d’hortillonnages (dès le 9 juin et jusqu’au 12) ont vite affiché complet montrent que Minuit avant la nuit a trouvé sa voie et son public, dans la droite ligne de l’esprit de La Lune. Avec déjà des traditions ancrées, comme celle d’un dimanche gratuit ouvert aux familles.
Pointu et grand public
Cela n’interdit pas l’évolution. Trop connoté rock indépendant aux yeux de certains, pas assez grand public pour d’autres, Minuit avant la nuit réussit cette année la quadrature du cercle et propose un seul grand soir dans la configuration du parc Saint-Pierre, mais quel grand soir. Et pour 25 € quand, ailleurs, il faut compter au moins le double. Juliette Armanet, fraîche égérie de la chanson française avec sa pop glam et son album Brûler le feu, fut la première à être annoncée. Rejointe par Selah Sue, mix de Lauryn Hill et d’Amy Winehouse. Deux noms auxquels on accola les avant-gardistes et inclassables du collectif Bagarre, phénomène scénique. On pensait le casting complet mais Antoine Grillon, directeur du festival et de La Lune, attisa la flamme de l’impatience en ajoutant Feu! Chatterton, ce groupe onirique et dynamiteur de festivals collant autant à l’événement qu’il le place dans la cour des grands. Bingo : plus aucune place à vendre à une semaine de l’événement. « Cela confirme que nos choix étaient les bons avec quelque chose de plus solaire, de plus chaleureux, convient Antoine Grillon. Il y avait une attente. » Notamment celle des collectivités, principaux financeurs, à commencer par Amiens Métropole. Oui, le monde attend Minuit.
Antoine Caux
5 000
Tous les billets pour le grand soir du 11 juin ont été vendus, ont annoncé les organisateurs ce lundi. Une jauge de 5 000 places supérieure aux éditions précédentes.
EN CHIFFRES
50 % d’artistes féminines
50 % d’artistes masculins
130 bénévoles
2 scènes
4 food trucks (tous locaux)
6 000 litres de litière dans les toilettes sèches
Le programme
Samedi 11 juin (complet)
Eessah Yasuke (scène levant)
17h-17h45
Minuit express (lire ci-dessous) (scène couchant)
Selah Sue (scène levant)
19h-20h
Squidji (scène couchant)
20h15-21h
Juliette Armanet (scène levant)
21h40-22h40
Folly Group (scène couchant)
22h45-23h30
Feu! Chatterton (scène levant)
23h50-00h50
Bagarre (club) (scène couchant)
00h55-1h40
Juliette Armanet
© Pierre Mouton
Dimanche 12 juin (gratuit)
La chorale rock (scène couchant)
13h30
Kamelectric (scène couchant)
15h45
Ottis Cœur (scène couchant)
16h30-17h15
Fermeture à 18h
Feu! Chatterton
© Antoine Henault
Minuit express, mix d’ici
Il y a quelques mois encore, ils ne se connaissaient pas. Samedi 11, ils se produiront au parc Saint-Pierre. Le rappeur Dr Chon (du studio d’enregistrement Creek à Camon), l’envoûtante Agnès de Bali Dou (cocooné à Cité Carter à Amiens nord), le batteur Kevin de Mélodie en sous-sol et Margot, bassiste, contrebassiste et violoncelliste au Conservatoire, mélangent leurs univers pour un concert de trente minutes (18h) mijoté depuis janvier sous l’œil et les conseils du flûtiste et producteur amiénois Jî Drû.
© Ludo Leleu
© Laurent Rousselin / Amiens Métropole
Assez, déchets
Minuit avant la nuit s’ingénie à limiter son impact environnemental. Avec conviction et sans greenwashing.
Tous les grands rassemblements de musique en plein air sont confrontés à cette problématique : un festival, lieu de fête qui s’implante là où il n’y a pas autant d’activité le reste de l’année, pollue. Dès le début, La Lune des pirates s’est focalisée sur cet enjeu. À la baguette : Vincent Risbourg, monsieur Accompagnement des artistes à La Lune, convaincu « qu’il faut penser tous les impacts d’un festival : sociaux, économiques et écologiques ». Casquette vissée sur la tête, il est intarissable sur « l’impact d’un filtre à cigarette jeté par terre qui pollue 500 litres d’eau ». La panoplie est là : toilettes sèches, bannissement du plastique au bar, food trucks avec produits locaux, grand parking vélos, plateforme de covoiturage, dons à Picardie Nature... En 2019, les poubelles avaient été pesées à la clôture de l’événement. Cette année encore, elles seront autopsiées « pour que, d’une année sur l’autre, on s’améliore ». Et espérer atteindre la labellisation Drastic on Plastic. Déjà, en 2022, avec l’aide des services de l’environnement d’Amiens Métropole, le tri s’intensifie : verre d’un côté, papier et carton de l’autre, plastique et aluminium dans leur coin...
Des festivaliers attentifs
Les déchets organiques, eux, seront récupérés pour être transformés en compost par les Recyclettes (lire ici l’article du JDA #1013), qui font déjà la tournée des restaurateurs et installent des composteurs dans l’agglomération. Des bénévoles sillonneront le festival pour prêcher la parole verte et présenter les engagements des organisateurs. « Un festival est une microsociété, image Vincent Risbourg. En 2019, les festivaliers avaient été attentifs et respectueux de notre démarche. » Le public des “festoches”, converti à ces questions, n’est-il pas d’ailleurs demandeur ? « Oui, on ne vient pas juste écouter de la musique en buvant des bières, confirme Vincent Risbourg. À l’image de l’état d’esprit de La Lune des pirates, on met des valeurs derrière tout ça : solidarité, équité... »
« Derrière tout ça, il y a des valeurs comme la solidarité, l’équité »
Vincent Risbourg de La Lune
© Antoine Caux
4 KG DE MÉGOTS
C’est l’objectif cette année. En 2019, 2 kg de mégots avaient été collectés sur le festival. Récupérés par une entreprise bretonne, ils finiront en isolant pour la construction ou serviront à du mobilier urbain.
Une première cette année : des urinoirs féminins !
© D.R
VENEZ AVEC VOTRE ÉCOCUP
Tout le monde, ou presque, connaît ce mot écocup, le gobelet réutilisable qui évite le modèle jetable. Il fut l’un des premiers symboles des festivals “écoresponsables”, c’est même là qu’il a été inventé. Pour ne pas en faire un énième gadget de greenwashing (c’est-à-dire le simple affichage écologique), le festival n’éditera pas pour cette édition 2022 de modèle “collector” comme il est souvent d’usage. « On s’est rendu compte qu’on en produisait beaucoup et qu’ils nous restaient sur les bras, justifie Vincent Risbourg de La Lune. Il faut savoir qu’un écocup doit servir au moins 15 fois pour qu’il ait vraiment servi à générer une économie de matière. » Alors pas la peine de vouloir l’écocup 2022. Ce sera le modèle de 2019. Ou mieux, venez avec le vôtre, conseillent les organisateurs. « Même les gourdes seront acceptées. Il y aura des points d’eau potable. »