Rien ne se perd, tout se transforme
Aux Astelles, la recyclerie sociale et solidaire nichée à Étouvie, l’artiste Sophie Hélène expose jusqu’au 13 mai photos et créations réalisées avec les salariés à partir d’objets de récupération.
14.03.2023
Chaque jour, au 3, avenue du Pays-d’Auge à Étouvie, un camion de 20 m3 décharge son contenu récupéré dans les déchetteries d’Amiens Métropole. Pour les Astelles, entreprise sociale et solidaire qui compte 180 salariés dont 155 en insertion professionnelle, la réduction des déchets, le réemploi et la protection de l’environnement sont une philosophie. L’accueil du 6 février au 10 mars de Sophie Hélène lors d’une résidence artistique qui se clôt sur une exposition visible à la recyclerie des Astelles jusqu’au 13 mai, a été l’occasion de valoriser autrement ces objets dont on ne veut plus. « Nos objectifs avec la Ville d’Amiens sont d’atteindre 85 % de réemploi de ce que nous collectons, contre 70 % actuellement, chiffre Sophie Triquet, la directrice des Astelles dont l’activité s’inscrit dans le schéma de gestion des déchets du territoire. La recyclerie est la porte d’entrée sur nos autres activités auprès de collectivités, d’entreprises et d’industriels comme les missions de propreté, les petits travaux, l’entretien d’espaces verts… Ou encore la collecte d’encombrants et le vide-maison proposé aux particuliers. »
Aventure collective
L’exposition Les Astelles comme attelles concrétise « la volonté de véhiculer l’art, de faire connaître la recyclerie aux Amiénois qui ne nous connaissent pas ou n’osent pas venir », indique Sophie Triquet. Derrière ce projet, il s’agissait d’accueillir une artiste tout en menant de la médiation auprès des salariés en insertion qui, après vingt-quatre à quarante-huit mois d’accompagnement, doivent prétendre à un CDI dans une entreprise. « 30 % de CDI sont finalisés, indique la directrice. On travaille avec l’humain et ses difficultés. C’est parfois compliqué. » Sophie Hélène a embarqué 96 salariés dans cette aventure artistique à laquelle ont aussi participé des associations du quartier comme l’École de la deuxième chance, Initi’Elles, l’Association picarde d’action prévention, deux étudiants de la faculté des arts d’Amiens, l’artisane Florence Vandenhenden et Paul Rivelaygue, jeune artiste diplômé des Beaux-Arts de Paris.
Serpent de verre et objets insolites
« Ce projet a permis la découverte de techniques », précise l’artiste, coloriste et plasticienne à Cayeux-sur-Mer et dont le travail s’inscrit dans une démarche environnementale. Couleur utilisée : « Le noir comme la face de la société que l’on ne veut pas voir et celui des sacs-poubelles utilisés pour ces cartons suspendus estampillés de portraits de salariés. On a cuisiné une recette ancienne de peinture à l’ocre noire pour teinter le bois et calciné d’autres éléments pour obtenir une gamme chromatique différente… » Une série de photographies réalisées durant la résidence explore les métiers, le fonctionnement du site et valorise les compétences et les personnalités des agents. Plus loin trône un Fétiche, entité bienveillante créée à partir de bois provenant de meubles anciens. « Ça raconte l’histoire et interroge la fin de vie du bois noble travaillé par un ébéniste. À l’origine, des gens se sont endettés pour acheter ces meubles transmis de génération en génération et qui finissent dans une benne », remarque Sophie Hélène. Une salle noire présente également un incroyable et insolite inventaire issu des « 25 % d’erreurs de tri des habitants » tels queblocs de béton, armes, cochons en plastique et autres incongruités… Sensibiliser les gens à regarder autrement les objets, prendre conscience de la valeur des choses et du travail que cela a demandé est ce qu’inspire cette autre production : un serpent de verre d’une dizaine de mètres créé à partir de vaisselle. De bonnes idées en somme.
Ingrid Lemaire
Lesastelles.fr – 03 22 69 26 26